FUTUR IMMÉDIAT – LOS ANGELES 1991 (1988)

Les extra-terrestres se sont installés parmi les humains et vivent comme une communauté à part… jusqu’à ce qu’une enquête policière bouleverse tout

ALIEN NATION

 

1988 – USA

 

Réalisé par Graham Baker

 

Avec James Caan, Mandy Patinkin, Terence Stamp, Kevin Major Howard, Leslie Bevis, Peter Jason

 

THEMA EXTRA-TERRESTRES

Tous les grands studios reçoivent des tonnes de scénarios par semaine et doivent faire le tri pour y déceler des histoires au potentiel intéressant. Or vers la fin des années 80, un script atterrit chez 20th Century Fox et se distingue du lot : Alien Nation, signé par l’auteur Rockne S. O’Bannon, connu alors pour avoir écrit quelques épisodes d’Histoires fantastiques et de La Cinquième dimension. Cette surprenante enquête policière sur fond de populations immigrées extra-terrestres fait son petit effet et finit entre les mains de la productrice Gale Anne Hurd (Terminator, Aliens). Le film se met en chantier sur la base de cette histoire solide qui est officieusement retravaillée par James Cameron pour la muscler un peu. La mise en scène est confiée au réalisateur britannique Graham Baker, qui avait su mettre un point final à la trilogie La Malédiction avec un troisième épisode très honorable dans lequel Sam Neill incarnait l’antéchrist, puis avait enchaîné sur le thriller de science-fiction Pulsion homicide avec Tim Matheson et Meg Tilly. Baker allait plus tard se fourvoyer dans un Beowulf de sinistre mémoire avec Christophe Lambert, mais ceci est une autre histoire !

À travers son postulat, son approche hyperréaliste et son discours social, l’entame de Futur immédiat annonce par bien des aspects le District 9 de Neil Blomkamp. Nous y apprenons qu’un gigantesque vaisseau spatial transportant les esclaves d’une race extra-terrestre s’est échoué aux États-Unis à la fin des années 80. Depuis, ces 250 000 « arrivants » – qu’un argot péjoratif qualifie de « Crads » – vivent dans des quartiers défavorisés un peu en marge de la société. Si leur aspect physique ne les distingue pas beaucoup des humains, à part un crâne écailleux et des traits légèrement reptiliens, leur anatomie s’en éloigne sensiblement. Ils possèdent deux cœurs, peuvent respirer le méthane, ont une capacité d’apprentissage extrêmement rapide, craignent l’eau de mer, ne mangent que des aliments crus et se saoulent au lait tourné. Dans ce futur proche – où les cinémas affichent Rambo 6 ! -, le flic dur à cuire Matt Sykes enquête sur la mort de son coéquipier suite à un braquage qui a mal tourné dans le ghetto de « Cradville ». Pour résoudre l’affaire, il fait équipe à contrecœur avec le premier inspecteur de police extra-terrestre, Sam Francisco (de son vrai nom Ss’tangya T’ssorentsa).

 

Alien Connection

Futur immédiat respecte donc scrupuleusement tous les codes du buddy movie policier – les coéquipiers qui n’ont rien en commun et finissent par s’apprécier, les fusillades, les poursuites de voiture, le trafic de drogue – mais sous un angle totalement inédit induit par son angle science-fictionnel. Car ici, le polar musclé se double d’une belle parabole sur le racisme et l’intolérance. Futur immédiat décline ainsi des thématiques qu’abordait Wolfgang Petersen à travers l’imagerie du film de guerre dans Enemy. James Caan excelle en policier bourru qui assume son étroitesse d’esprit et son sectarisme (« j’aime mes horizons étroits » dit-il à une danseuse extra-terrestre qui cherche à la séduire), tout comme Mandy Patinkin, parfait dans le double registre de l’humilité réservée et de la colère réfrénée. Le duo converge vers un notable alien qu’incarne brièvement mais avec intensité l’impérial Terence Stamp. Discrets mais extrêmement minutieux, les maquillages spéciaux sont confiés à une batterie d’artistes talentueux comme Alec Gillis, Shane Mahan, John Rosengrant, Tom Woodruff Jr. et Shannon Shea, sous l’égide du vétéran Stan Winston. Il est intéressant de noter que la bande originale fut d’abord composée par Jerry Goldsmith. Mais son travail synthétique – il est vrai assez expérimental – déplut à la production qui lui préféra la partition plus traditionnelle de Curt Sobel. Futur immédiat eut suffisamment d’impact pour générer une petite franchise : une série télévisée en 1989, cinq téléfilms, plusieurs romans et même une collection de bandes dessinées.

 

© Gilles Penso


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