Keanu Reeves et Alex Winter rejouent les héros qu’ils incarnaient à la fin des années 80 dans cette épopée de SF absurde…
BILL AND TED FACE THE MUSIC
2020 – USA
Réalisé par Dean Parisot
Avec Keanu Reeves, Alex Winter, William Sadler, Brigette Lundy-Paine, Samara Weaving, Anthony Carrigan, Kid Ludi, Jillian Bell, Hal Landon Jr.
THEMA VOYAGES DANS LE TEMPS I FUTUR I ROBOTS I MORT I SAGA BILL & TED
Annoncée en 2010, cette suite très tardive de L’Excellente aventure de Bill et Ted et Les Folles aventures de Bill et Ted aura mis dix ans à se concrétiser. On peut légitimement s’interroger sur les motivations ayant poussé le réalisateur de La Cité des monstres et la star de Matrix à s’embarquer dans ce troisième épisode. Sans doute la nostalgie eut elle son rôle à jouer dans ce choix, Ted Logan et Bill Preston étant les rôles qui les firent connaître du grand public et lancèrent leurs carrières respectives. Succédant à Stephen Herek (Critters) et Peter Hewitt (Le Petit monde des Borrowers), le réalisateur Dean Parisot (Galaxy Quest, Braqueurs amateurs, Red 2) prend les rênes de ce projet casse-gueule toujours écrit par le fidèle duo de scénaristes Chris Matheson et Ed Solomon. L’histoire tente de renouer avec l’esprit gentiment nonsensique des deux premiers films, quitte à emprunter une grande partie de leurs idées narratives. Les voyages dans le temps sont donc de retour, plusieurs figures historiques font leur apparition, un robot est sollicité une fois de plus pour occire nos héros et nous avons même droit à un nouveau voyage dans l’au-delà où sévit une faucheuse blafarde toujours incarnée par William Sadler. Autant dire qu’on s’efforce ici de brosser le fan dans le sens du poil afin qu’il ne soit pas trop dépaysé.
Toujours mariés aux princesses qu’ils ont ramenées du moyen-âge dans le tout premier film, Theodore « Ted » Logan et William « Bill » S. Preston ont maintenant la cinquantaine et sont devenus pères de famille. Voilà vingt-cinq ans qu’ils essaient en vain d’écrire la fameuse chanson qui est censée unifier les peuples du monde, au grand dam de leurs épouses respectives un peu lasses de cette obsession. Comme le montrait en accéléré le générique de fin des Folles aventures de Bill et Ted, leur groupe a connu son heure de gloire puis est tombé dans l’oubli. Ils n’ont donc plus rien des rock stars légendaires dont le destin semblait tout tracé. C’est alors que surgit une messagère du futur : Kelly (Kristen Schaal), la fille de leur ancien mentor Rufus (dont l’interprète George Carlin est décédé en 2008, apparaissant ici furtivement de manière posthume sous forme d’un hologramme). Kelly les emmène dans le San Dimas de 2720 pour leur apprendre une nouvelle inquiétante. S’ils sont incapables de chanter la fameuse chanson d’ici 77 minutes, l’univers tout entier s’effondrera. Déjà, les époques sont chamboulées et les personnages historiques commencent à s’inverser dans le cours du temps. La situation est donc urgente. Mais Bill et Ted n’ont pas la moindre inspiration. Comment écrire une chanson aussi cruciale en si peu de temps ?
Anachronique
Au tout début, autant l’avouer, la gêne s’installe. Voir Alex Winter et Keanu Reeves, à 55 ans passés, tenter de rejouer les adolescents attardés et de retrouver les mimiques, les postures et les tics de langage qui les révélèrent à fin des années 80 a quelque chose de profondément embarrassant. Ils n’ont l’air d’y croire qu’à moitié, nous donnant presque l’impression de se demander s’ils ont bien fait d’accepter ce projet. D’autant que le look de Keanu Reeves dans le film – les cheveux longs, le menton glabre et la peau livide – lui donne des faux airs très troublants d’Alan Rickman en Severus Rogue dans Harry Potter ! En cherchant à retrouver à peu près l’apparence qu’il avait dans les premiers Bill & Ted, le héros de John Wick semble plus vieux et fatigué qu’il ne l’est en réalité. Quelques idées sympathiques affleurent dans le film, en particulier les visites successives de Bill et Ted à plusieurs versions d’eux-mêmes dans le futur (musiciens ratés et alcooliques, détenus tatoués et hyper bodybuildés, vieillards croulants), la collection de musiciens virtuoses que les propres filles des héros réunissent pour monter un groupe légendaire (Jimi Hendrix, Louis Armstrong, Mozart, une flûtiste médiévale, une percussionniste préhistorique) ou encore le robot tueur pris d’états d’âme. Mais l’on sent bien que le cœur n’y est plus, que le miracle déjà fragile des deux premiers films peine à opérer deux décennies plus tard. Bill et Ted sauvent l’univers est décidément un film anachronique qui sera peut-être réévalué au fil des temps mais qui, en l’état, provoque plus de soupirs que de rires.
© Gilles Penso
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