John Huston revisite l’Ancien Testament, de la création du monde jusqu’au sacrifice d’Abraham en passant par l’arche de Noé et la tour de Babel…
LA BIBBIA / THE BIBLE… IN THE BEGINNING
1966 – ITALIE / USA
Réalisé par John Huston
Avec Michael Parks, Ulla Bergryd, John Huston, Richard Harris, Ava Gardner, Stephen Boyd, Peter O’Toole, George C. Scott
Avec La Bible, John Huston s’est mis en tête d’adapter en trois heures les vingt-deux premiers chapitres de la Genèse. Produite par Dino de Laurentiis et filmée aux quatre coins du monde (l’Italie, l’Afrique, l’Égypte, Israël, l’Islande et même les îles Galapagos !), cette ambitieuse superproduction de 18 millions de dollars s’avère assez contemplative. Huston et son bataillon de scénaristes (auxquels se serait joint officieusement Orson Welles) prennent ainsi dix minutes en début de film pour nous raconter la création du monde, avant l’apparition du premier homme. La voix off du narrateur et celle de Dieu (toutes deux interprétées par Huston lui-même) y sont omniprésentes. Puis interviennent enfin Adam et Eve (Michael Parks et Ulla Bergryd), dans une nudité complète pudiquement occultée par un éclairage à contre-jour (nous ne sommes tout de même qu’en 1966 !). Cette première partie, située dans une remarquable reconstitution du jardin d’Éden, se pare d’une idée visuelle étonnante : le serpent tentateur, lové dans son arbre, est d’abord interprété par un homme (Huston toujours). Ce n’est qu’après son châtiment par Dieu qu’il prend l’allure d’un reptile rampant.
Après le drame d’Abel et Caïn, le récit s’intéresse à Noé, un rôle phare qu’Huston avait d’abord proposé à Charlie Chaplin et Alec Guiness. Devant le refus des deux intéressés, le cinéaste – qui n’est plus à une casquette près – incarne lui-même le vénérable patriarche, au cours d’un segment pour lequel la production a sollicité une impressionnante ménagerie. Les effets spéciaux qui visualisent le gigantisme de l’arche, tour à tour maquette en perspective forcée et peinture sur verre, sont particulièrement réussis. Le film n’est d’ailleurs pas avare en séquences visuellement magnifiques, comme ces animaux gambadant sur une terre crépusculaire ou cette colossale tour de Babel entourée de milliers d’hommes.
Grandiose et scolaire
Mais La Bible souffre d’une sérieuse absence d’intrigue, au sens strict du terme. Les protagonistes nous sont scolairement présentés au fur et à mesure de leur intervention dans le texte initial, et nous n’avons guère le loisir de nous attacher à eux ou à leurs problématiques. Le film s’apprécie donc principalement comme une collection de jolis tableaux, en partie inspirés semble-t-il par les magnifiques gravures de Gustave Doré. Adepte de classicisme, John Huston envisagea un temps de confier la bande originale de sa Bible à Igor Stravinsky, mais il se rabattit finalement sur le compositeur nippon Toshiro Mayuzumi, dont la partition lyrique et emphatique souligne avec bonheur les images en Cinémascope concoctés par le chef opérateur Giuseppe Rotuno (Le Guépard). Après le fameux récit de la destruction de Sodome et de la transformation en statue de sel de la femme de Lot, La Bible s’achève en traînant un peu de la patte sur l’histoire du sacrifice d’Isaac par Abraham (qu’incarne un George C. Scott habité par son personnage, et marié pour l’occasion à Ava Gardner interprétant une Sarah vieillissante). Dino de Laurentiis escomptait bien enchaîner avec d’autres superproductions inspirées des textes bibliques, mais l’accueil tiède du film de John Huston l’en dissuada.
© Gilles Penso
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