Ken Russel adapte une nouvelle de Bram Stoker et mêle le gore, l’érotisme et les monstres en caoutchouc…
THE LAIR OF THE WHITE WORM
1988 – GB
Réalisé par Ken Russell
Avec Amanda Donohoe, Hugh Grant, Catherine Oxenberg, Sammi Davis, Peter Capaldi, Stratford Johns, Paul Brooke, Imogen Claire
THEMA VAMPIRES I INSECTES ET INVERTÉBRÉS I DRAGONS I REPTILES ET VOLATILES
Auteur de films sulfureux abordant le genre fantastique de manière plus ou moins frontale (Les Diables, Au-delà du réel, Gothic), Ken Russell s’attaque ici à une nouvelle de Bram Stoker, qui s’avère bien vite n’être qu’un prétexte à la mise en exergue des délires et des fantasmes du cinéaste. Le début du film, il faut bien l’avouer, laisse imaginer la pire des séries Z, tant les dialogues sont grotesques, les situations absurdes et les acteurs catastrophiques. La suite des événements tempère quelque peu cette fâcheuse première impression, sans dissiper tout à fait le côté « bric et broc » de cet inclassable Repaire du ver blanc. Grâce à des fouilles menées dans l’enceinte d’une ferme au fin fond de la Grande-Bretagne, Angus Flint (Peter Capaldi), jeune étudiant, découvre un crâne étrange à mi-chemin entre le dinosaure et la vache. Le soir, il se rend à la demeure de Lord James d’Ampton (incarné par Hugh Grant, et oui !) pour y célébrer la légende du chevalier d’Ampton qui, naguère, extermina un ver géant. Et si ce crâne n’était autre que celui du fameux monstre de la légende ? Cette fantaisiste supposition trouve bientôt écho dans le comportement d’une secte adoratrice du ver géant.
Bram Stoker étant surtout célèbre pour avoir créé le personnage de Dracula, les adorateurs du monstre se comportent ici comme des vampires, arborant de très longues canines et mordant tous ceux qui sont à leur portée en les contaminant. Le scénario nage par ailleurs en pleine confusion zoologique, puisqu’on y parle tour à tour de ver, de dragon, de serpent et de coléoptère ! Du point de vue historique, la rigueur n’est pas non plus de mise, les Romains, les nonnes, les rites païens et les chevaliers médiévaux s’y croisant dans l’anarchie les plus totale. Tout ceci n’est donc qu’une excuse pour que Ken Russell puisse développer ses thématiques fétiches : l’érotisme morbide, l’anticléricalisme, les sacrifices rituels et les hallucinations surréalistes. A ce titre, on se souviendra du Christ attaqué par un serpent géant, des nones dénudées et violées, des victimes féminines empalées, ou encore de cette lutte entre deux femmes en porte-jarretelles à bord d’un Concorde ! Sans compter quelques passages furtivement gores, comme cette femme coupée en deux en plein vol.
Le baiser de la femme-serpent
Mais le film s’avère bizarrement hybride, car cette impertinence provocatrice jouxte des péripéties grotesques qui semblent dictées par un studio soucieux d’attirer tout de même un large public (les grenades pour tuer le ver, la musique pour le charmer), des séquences d’action ratées et un humour de bas étage. De toute évidence, les scènes les plus intéressantes sont celles qui mettent en scène Amanda Donohoe, envoûtante femme-serpent qui séduit les hommes pour mieux enfoncer ses crocs dans leur chair. On n’est pas près d’oublier cette scène étrange où, attirant dans ses filets un jeune boy scout, elle le paralyse dans son jacuzzi puis, interrompue alors qu’elle s’apprêtait à le sacrifier au ver géant, le noie distraitement sous sa botte. Quant au monstre lui-même, il est matérialisé sous forme d’une grosse marionnette moyennement crédible, qui n’est pas sans évoquer la plante carnivore de La Petite boutique des horreurs version Frank Oz.
© Gilles Penso
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