Isabelle Huppert joue une variante féminine de Docteur Jekyll et Mister Hyde aux côtés de Romain Duris et José Garcia
MADAME HYDE
2017 – FRANCE
Réalisé par Serge Bozon
Avec Isabelle Huppert, Romain Duris, José Garcia, Patricia Barzyk, Guillaume Verdier, Pierre Léon, Adda Senani, Karole Rocher
THEMA JEKYLL & HYDE
Une relecture féminine de « L’Etrange Cas du Docteur Jekyll et de M. Hyde » de Robert Louis Stevenson, située dans un lycée professionnel de la fin des années 2010 et mettant en vedette un trio d’acteurs populaires français : tel est le postulat de Madame Hyde, co-écrit et réalisé par un cinéaste atypique ouvertement influencé par la Nouvelle Vague telle qu’elle s’affirma dans les années 60. Comme chez ses aînés, Serge Bozon croit en la compatibilité du cinéma d’art et essai avec la culture populaire véhiculée par les films de genre, la littérature fantastique et la bande dessinée. Sur le papier, Madame Hyde était donc un projet intéressant, ou tout du moins intriguant. A l’écran, les espoirs s’évaporent hélas assez rapidement.
Au début, on se laisse encore surprendre par Isabelle Huppert qui, à contre-courant des personnages glaciaux et autoritaires qui firent sa célébrité, campe un professeur de physique timide, effacé et introverti. Son nom ? Marie Géquil (sic). Face à des élèves turbulents, un proviseur démago (Romain Duris) et un époux béatement énamouré (José Garcia), l’enseignante est passive, spectatrice impuissante d’une vie peu satisfaisante. Le public aguerri attend donc en toute logique la métamorphose qui révèlera sa facette sombre et une personnalité plus forte et plus affirmée. Mais Bozon n’utilise le motif du récit de Stevenson que de manière extrêmement superficielle, oubliant au passage tout discours sur la dualité de l’esprit humain, toute tentative de réflexion autour des notions de Bien et de Mal, toute approche un tant soit peu psychanalytique de la division du Ça et du Surmoi.
Un scénario qui semble s'improviser au fur et à mesure
Marie Géquil se réfugie ainsi dans un petit laboratoire de fortune, met en route quelques machines et s’électrocute par mégarde. Se transforme-t-elle dès lors en Madame Hyde, penchant démoniaque de la bienveillante Marie Géquil ? Plus ou moins. Avec une désinvolture qui témoigne d’une parfaite méconnaissance du genre fantastique et de son potentiel symbolique, Serge Bozon et sa co-scénariste Axelle Ropert se contentent en effet de muer de temps en temps le gentil professeur en une espèce de créature incandescente qui erre la nuit dans la cité voisine et enflamme de manière aléatoire ceux qu’elle croise, un jeune banlieusard par ici, deux chiens par là… Les infographistes de Mikros Image et les maquilleurs de l’équipe d’Olivier Afonso tentent bien d’égayer le métrage avec une poignée d’effets spéciaux modestes, mais rien n’y fait : la pilule ne passe pas. Le scénario erratique de Madame Hyde semble s’improviser au fur et à mesure sans qu’il soit possible de comprendre ce que ses auteurs cherchent à nous raconter, si ce n’est une ode manifeste à l’enseignement et à la science qui rapprocherait presque le métrage du sympathique Entre les Murs de Laurent Cantet. Malheureusement, à part quelques démonstrations de logique mathématique et de géométrie, rien de saillant ne ressort du film, d’autant que ses comédiens se contentent de réciter sans la moindre conviction des dialogues théâtraux sur-écrits et pas du tout naturels. Par moments, on croirait presque écouter les répliques d’un film de Jean Rollin, c’est dire !
© Gilles Penso
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