Cette mini-série TV ramenée à la durée d’un long-métrage pour sa sortie en salles est probablement la plus belle des adaptations du conte de Collodi
Le grand public a une vision du conte « Pinocchio » quelque peu déformée par les adaptations édulcorées dont il fit l’objet, notamment le dessin animé produit en 1940 par les studios Disney. Or à l’origine, l’auteur Carlo Collodi (de son vrai nom Carlo Lorenzini), avait conçu cette histoire comme un pamphlet social aux fortes connotations anarchistes. Il fallait un réalisateur comme Luigi Comencini, habitué aux comédies dramatiques réalistes, pour redonner à l’histoire du pantin en bois toute sa crudité. Conçu comme une mini-série télévisée de 300 minutes ramenée ensuite à 130 minutes pour sa sortie en salles, Les Aventures de Pinocchio parvient donc à adapter les canons du néo-réalisme italien aux contraintes du conte de fées, sans que jamais ce mélange des genres ne perde de sa cohérence. Dès les premières minutes, la pauvreté, le froid et la misère sont palpables, tout comme l’indéfectible optimisme de Gepetto (Nino Manfredini), un vieux menuisier sans le sou qui trompe sa solitude en taillant une poupée dans un morceau de noyer. Or il s’agit d’un bois magique, doté de vie, de parole et d’une forte personnalité. Grâce à l’intervention d’une fée (Gina Lollobrigida), la marionnette prend les traits d’un petit garçon facétieux (Andrea Balestri). Prenant goût à la vie, le pantin, surnommé Pinocchio, découvre bien vite la désobéissance, les caprices, la liberté, l’insouciance… et tous les revers de la médaille.
Capturé par un propriétaire de cirque, menacé de mort par un chat et un renard appâtés par le gain, transformé en âne dans un parc d’attractions, il finit ses mésaventures avalé par une gigantesque baleine. Mais Gepetto ne l’a jamais abandonné, donnant enfin du sens à sa vie misérable en s’efforçant de retrouver le petit garçon turbulent et de le ramener dans le droit chemin… Plusieurs scènes du film témoignent des distances que le scénario prend avec l’uniformisation et la bien-pensance, comme ce moment savoureux où un professeur très sérieux exige que la marionnette reprenne forme humaine, dans la mesure où il est plus difficile de punir un enfant désobéissant s’il est en bois ! Ou cette description d’une école modèle où les élèves, tels des moutons, répètent stupidement les préceptes de leur maître, qui se résument à « celui qui ne travaille pas ne mange pas, et finit un jour ou l’autre à l’hôpital ou en prison ». En ce sens, l’esprit de Collodi est fort bien respecté.
Le début de l’aventure
Contournant habilement la modestie des moyens techniques mis à sa disposition, Comencini met en scène des effets spéciaux simples mais d’une grande beauté, notamment l’animation de la marionnette et les apparitions furtives du grillon en ombre portée. Certes, la baleine et le thon auraient probablement mérité un peu plus de finitions, même si leur look de marionnettes de parc d’attraction reste en accord avec l’aspect théâtral de leur intervention. Bien souvent, le film évoque d’ailleurs la commedia dell’arte, voire le cinéma de Fellini. A la fin du film, un carton nous annonce : « ainsi s’achèvent les aventures de Pinocchio, maintenant va commencer pour lui une autre belle aventure : la vie ». Loin du happy end traditionnel, le dénouement nous laisse en effet entendre que les problèmes ne font que commencer.
© Gilles Penso
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