UN VAMPIRE À BROOKLYN (1995)

Wes Craven s’essaie à la comédie horrifique et transforme Eddie Murphy en suceur de sang venu tout droit des Caraïbes…

VAMPIRE IN BROOKLYN

 

1995 – USA

 

Réalisé par Wes Craven

 

Avec Eddie Murphy, Allen Payne, Angela Bassett, Kadeem Hardison, Zakes Mokae, John Witherspoon, Joanna Cassidy, W. Earl Brown, Simbi Khali

 

THEMA VAMPIRES I SAGA WES CRAVEN

Après avoir revisité le mythe qu’il créa dans Les Griffes de la nuit avec Freddy sort de la nuit, Wes Craven se fourvoie dans Un Vampire à Brooklyn qui, pourtant, était pétri de bonnes intentions. Abordant pour la première fois le mythe du vampirisme, le cinéaste souhaite s’en servir de métaphore pour décrire le mal qui ronge les ghettos noirs de l’Amérique urbaine, et décide donc de mettre en scène un suceur de sang d’origine africaine. Loin des effets de mode d’un Blacula motivés par le succès de la Blaxploitation, le vampire noir de Wes Craven cherche à remonter aux légendes séculaires du continent africain qui ont forgé une grande partie des histoires vampiriques telles que nous les connaissons aujourd’hui. Le cinéaste imagine ainsi un buveur de sang antique qui aurait voyagé des rives du Nil jusqu’en Afrique avant de venir s’établir dans le nord de l’Amérique. La présence d’Eddie Murphy dans le rôle principal permet au projet de se concrétiser et pousse le studio Paramount à s’y engager. L’ex-Flic de Beverly Hills partage l’affiche avec l’excellente Angela Bassett, qui crevait l’écran dans Tina et Strange Days.

Tout commence comme une relecture modernisée d’une des scènes phares du « Dracula » de Bram Stoker, l’entrée en scène d’un navire fantôme transportant le compte vampire de sa Transylvanie jusqu’en Angleterre. Ici, c’est un navire abandonné et empli de cadavres qui échoue sur un chantier naval de Brooklyn. Cette belle entrée en matière concilie le classicisme et la rupture contemporaine. Puis le film nous fait découvrir Maximillian (Eddie Murphy), descendant d’une longue lignée de vampires exilée depuis des siècles aux Caraïbes. Arrivé en plein New York, il intervient au milieu d’une altercation opposant des mafieux italiens et Julius Jones (Kadeem Hardison) qui s’avère être son neveu. Maximilian tue les deux voyous et mord Julius, le muant en créature ni morte ni vivante. Le vampire est en quête de sa semblable, une fille vampire ignorante de sa condition et qui devra s’unir librement à lui. Très vite, il découvre l’élue à séduire, une femme policier du nom de Rita Veder (Angela Bassett)…

Ni drôle ni effrayant

Malheureusement, les intentions de Wes Craven ne sont pas forcément en accord avec celles de la Paramount ou avec celles du comédien vedette. Le studio cherche avant tout à produire un film comique pour capitaliser sur la popularité d’Eddie Murphy (qui joue d’ailleurs ici plusieurs rôles, comme dans les comédies qu’il interprète sous la direction de John Landis). Murphy, lui, n’accepte de jouer dans le film qu’à condition que le studio ne lui cède les droits du remake de Docteur Jerry et Mister Love de Jerry Lewis, qui deviendra Le Professeur Foldingue. Difficile dans une telle situation d’imposer une vision forte, une empreinte personnelle, un esprit singulier. Un Vampire à Brooklyn est donc un film hybride, au sein duquel la comédie, l’horreur, la romance et la satire sociale entrent en conflit sans vraiment s’harmoniser. Car chacun souhaite sortir de sa propre zone de confort sans faire concilier ses envies avec celle des autres. Murphy veut jouer le vampire de la manière la plus sérieuse possible (malgré cette perruque ridicule qu’il semble avoir volée à Barry White !), Craven souhaite au contraire capitaliser sur l’humour que dégage le comédien, et finalement le film n’est ni drôle ni effrayant. Cette erreur de parcours sera sanctionnée par des critiques assassines et un résultat décevant au box-office. Mais Un Vampire à Brooklyn aura tendance à être réévalué à la hausse quelques années plus tard.

 

© Gilles Penso

 

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