Michael Myers revient pour s’en prendre non seulement à Laurie Strode mais cette fois-ci à la ville d’Haddonfield toute entière…
Dès juin 2018, le scénariste Danny McBride et le réalisateur David Gordon Green envisageaient de tourner simultanément Halloween et Halloween Kills comme les deux volets d’une même histoire. Mais l’opération était financièrement risquée. Il fut donc décidé plus sagement de produire le premier film et d’attendre les réactions du public avant de mettre en chantier sa suite. Or l’accueil du premier Halloween de Green s’avéra plus que satisfaisant (bizarrement serait-on tenté de dire, tant sa démarche « révisionniste » pouvait sembler incongrue, pour ne pas dire présomptueuse). A la fin du précédent long-métrage, Michael Myers était pris au piège dans une maison en flammes tandis que trois générations de Strode – Laurie (Jamie Lee Curtis), sa fille Karen (Judy Greer) et sa petite-fille Allyson (Andi Matichak) – prenaient la fuite. Nous reprenons donc les choses exactement là où nous les avions laissées trois ans plus tôt. Tandis que les trois femmes passablement secouées gagnent l’hôpital le plus proche, une escouade de pompiers déboule pour éteindre l’incendie. Les malheureux ! Sans le savoir, ils libèrent le monstre qui s’échappe de sa cage incandescente, les massacre tous méthodiquement comme une boule de bowling enverrait valdinguer des quilles, puis se dirige tranquillement vers ses prochaines victimes…
Le Halloween de 2018 mettait déjà à jour un problème d’identité. Le choix de doter ce film du même titre que l’épisode séminal de John Carpenter était déjà étrange en soi. Quitte à balayer d’un revers de main dédaigneux toutes les séquelles produites depuis 1981, pourquoi ne pas assumer jusqu’au bout et appeler cette suite Halloween 2 ? Dans Halloween Kills, cette incapacité à se positionner clairement par rapport au reste de la saga paraît décuplé. Il nous semble ressentir en permanence l’embarras des scénaristes face à une matière qu’ils ne savent pas par quel bout prendre. D’un côté, il y a cette volonté de se raccorder directement au film précédent, enchaînant donc les événements quasiment à la minute près. De l’autre, un besoin irrépressible de renforcer les liens avec La Nuit des masques d’origine, quitte à en recycler de brefs extraits, à reconstituer certaines scènes pour nous les montrer sous d’autres angles et même à ressusciter ce pauvre docteur Loomis qui n’en demandait pas tant. Sans compter cette idée bizarre de récupérer toute une série de personnages d’arrière-plan du premier film (des baby-sitters, des enfants, des policiers) pour les remettre en scène quarante ans plus tard. La vaste opération d’effacement des mémoires qui consiste à tenter de supprimer de l’histoire du cinéma Halloween 2–3–4–5–6, 20 ans après et Résurrection se poursuit donc effrontément. Mais dans ce cas, pourquoi cligner de l’œil vers Halloween 3 en mettant en scène les fameux masques de Silver Shamrock ? Pourquoi calquer une partie de l’intrigue sur celle d’Halloween 2 en reprenant le cadre de l’hôpital ? De toute évidence, Halloween Kills ne sait pas sur quel pied danser.
Bas le masque
Fatalement, cette indécision permanente finit par contaminer la tonalité du film tout entier. Partagé entre plusieurs envies contraires, David Gordon Green se laisse parfois aller à une brutalité digne du diptyque de Rob Zombie (plusieurs meurtres ultra-violents et douloureux), d’autres fois à une espèce d’autodérision quasiment parodique (quelques mises à mort cartoonesques, les improbables et caricaturaux Big John et Little John), en se livrant entre ces deux tendances antithétiques à un pseudo-discours maladroit sur la monstruosité qui sommeille en chacun de nous (à travers notamment cette scène de lynchage dans l’hôpital qui semble déconnectée du reste du film). Le tueur lui même fonctionne selon un principe qui nous échappe totalement. Quand il ne tue pas ses opposants par dizaines à la façon d’un Terminator déshumanisé, il est pris d’accès de nostalgie qui le poussent à regarder rêveusement par la fenêtre de sa maison d’enfance, ou s’amuse à faire des blagues à ses victimes en se cachant derrière les rideaux et en passant des disques joyeux sur une platine. C’est donc à la fois un tueur psychopathe, un enfant prisonnier dans le corps d’un vieil homme massif et un zombie aux pouvoirs surnaturels qui résiste aux balles et se téléporte d’un endroit à l’autre… Bref, cet Halloween Kills ne sait pas où il a mal. Au lieu d’annuler les neufs films qui séparent le Halloween de 1978 de celui de 2018, il les fusionne tous en un amalgame monstrueux sans âme, sans forme et sans but. Nous attendrons donc Halloween Ends, le troisième volet de la trilogie, avec beaucoup de patience.
© Gilles Penso
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