Cinq sketches drôles et horrifiques supervisés par Yann Piquer, grand spécialiste des courts-métrages fantastiques français…
En 1989 sortait sur les écrans Adrénaline, un film fantastique français constitué d’une série de courts-métrages inégaux mais souvent très inventifs. On y voyait en particulier un vigile attaqué par une caméra de surveillance vivante transformée en sorte d’araignée métallique, ou encore un visage humain sculpté par des gants de boxe avant d’être exposé dans une galerie d’art moderne ! Yann Piquer, initiateur du projet, réitère l’exploit quatre ans plus tard avec Parano, qui fonctionne selon le même principe si ce n’est que les cinq petites histoires qui le constituent sont reliées entre elles par un fil conducteur (une première version de ce « fil rouge » fut tournée par Jan Kounen mais abandonnée car jugée trop noire). Du coup, Parano se rapproche plus du film à sketches que de l’anthologie de courts-métrages. Le lien entre les cinq segments est le suivant : Jean-Claude, un homme assez peu assuré, attend avec anxiété la femme qui a répondu à sa petite annonce. Lorsqu’elle arrive enfin, et qu’elle s’avère pleine de charme, tous les espoirs sont permis. Mais les moindres faits et gestes du malheureux Jean-Claude ramènent à la mémoire de la jeune femme des anecdotes pour le moins inquiétantes…
L’enchaînement des sketches suit donc les épisodes de cette rencontre d’un soir. Jean-Claude allume son briquet, et la jeune femme se souvient de ce pompiste de nuit (Jacques Villeret) confronté à des silhouettes féminines étranges, puis à un pyromane (Jean-François Stévenin) ; il lui propose d’aller manger une pizza, et elle se remémore la mésaventure de ce livreur de pizza (Smaïn) terrorisé par la reconstitution radiophonique des crimes sanglants d’un psycho-killer ; il envisage de passer un week-end à la campagne avec elle, et elle se rappelle de cet automobiliste (Patrick Bouchitey) condamné à repasser inlassablement par la même route depuis qu’il a failli renverser un cycliste ; ils se retrouvent au lit, et elle évoque une rencontre peu banale entre un dragueur et une dangereuse adepte du sadomasochisme. Exaspéré, Jean-Claude finit à son tour par lui raconter l’histoire d’un plongeur sous-marin (Jean-Marie Maddedu) kidnappé en mer par un Canadair piloté par l’amant de sa femme (Alain Chabat).
Rires et frissons
Indiscutablement, l’initiative de Parano déborde d’originalité, le film étant dirigé par une partie de l’équipe qui réalisa les segments d’Adrénaline, dont Alain Robak, passé depuis au long-métrage avec un Baby Blood très porté sur le gore. L’esprit inventif qui anime Parano s’affirme dès le générique au cours duquel d’étranges bulles se détachent dans un fluide coloré pour s’avérer n’être que de la bière sous pression dans un bar, une idée visuelle qui évoque l’ouverture de L’Aventure intérieure. Le film bénéficie surtout d’une réunion de comédiens pleins d’entrain, tous habitués à la comédie. Et ce choix ne constitue pas un hasard, car ici le comique prime sur le fantastique, même si ce dernier reste très présent. On peut regretter que certaines idées narratives n’aient pas été exploitées jusqu’au bout, comme la rencontre nocturne de Jacques Villeret, trop confuse, ou la destinée inquiétante de Patrick Bouchitey, pourtant digne de La Quatrième dimension. Malgré une qualité irrégulière des scénarios, Parano est à marquer d’une pierre blanche, ne serait-ce que parce que Yann Piquer, à l’encontre de la majeure partie de ses compatriotes cinéastes, persiste coûte que coûte dans la voie du fantastique insolite.
© Gilles Penso
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