Dans cette aventure fantastique bricolée par Roger Corman, des femmes Vikings partent à la recherche des hommes de leur tribu disparus en mer…
THE SAGA OF THE VIKING WOMEN AND THEIR VOYAGE TO THE WATERS OF THE GREAT SEA SERPENT
1957 – USA
Réalisé par Roger Corman
Avec Abby Dalton, Susan Cabot, Bradford Jackson, June Kenney, Richard Devon, Betsy Jones-Moreland, Jonathan Haze
THEMA EXOTISME FANTASTIQUE I MONSTRES MARINS
« Fabuleux ! Spectaculaire ! Terrifiant ! Le courage brutal de femmes sans hommes perdues dans un fantastique enfer sur terre ! » Joli slogan, n’est-ce pas ? Voilà un film au concept pour le moins curieux. La paternité n’en revient pas au producteur Roger Corman, une fois n’est pas coutume, mais à Jack Rabin, homme d’effets spéciaux grand amateur de dinosaures et de reptiles géants en tous genres (on le trouve notamment au générique de The Beast of Hollow Mountain et The Giant Behemoth). Évidemment, en théorie, voir une armée de sculpturales guerrières Viking affronter un gigantesque serpent de mer avait de quoi exciter les imaginations les plus fébriles. Mais avec un budget anémique, dix jours de tournage et une poignée de comédiens/figurants, difficile de faire des merveilles. Corman embauche donc une demi-douzaine de jolies filles en jupette et les filme en train de lancer des javelots dans la séquence d’ouverture. Car dans l’histoire, tous les hommes de la tribu ont disparu en mer, et le javelot sert aux jeunes femmes à déterminer si elles doivent ou non partir à leur recherche.
Après avoir décidé de s’en aller en quête de leurs blonds fiancés, les femmes Viking s’embarquent à bord d’un petit drakkar, en compagnie du seul homme de la tribu qui était resté au village, sans qu’on nous en explique la raison. Les péripéties suivantes sont plutôt mollassonnes. Les filles sont capturées par un chef barbare et son armée (cinq figurants) qui comptent bien en faire leurs esclaves. Elles les accompagnent à la chasse au sanglier, puis participent à une soirée arrosée de vin avec une danseuse qui s’agite sans qu’on comprenne si elle obéit à une chorégraphie précise ou si elle improvise complètement, tant ses gesticulations semblent aléatoires et hystériques. Un bon moment de rire involontaire en tout cas. Puis les vikingettes découvrent que leurs hommes sont prisonniers du tyran, astreints à des travaux de mine dont on a du mal à saisir l’intérêt. Elles les font libérer, s’échappent, sont capturées, puis s’échappent à nouveau à la faveur d’un orage provoqué par leur dieu Thor.
« Le monstre du Vortex »
Voilà pour le scénario. Et le serpent de mer, me direz-vous ? Seul élément réellement fantastique du film, il s’agit d’une marionnette assez soignée qui s’agite avec une certaine conviction dans un bassin faisant office d’océan, imitant ainsi le plésiosaure de King Kong. Mais la créature, pourtant très présente sur les posters chatoyants du film, n’apparaît en réalité que quelques secondes à l’écran, timidement rétro-projetée derrière les comédiens et exagérément sous-exposé. « Sur l’écran, nous projetions les prises de vue du serpent s’élevant dans les mers déchaînées et menaçant le bateau », raconte Corman. « Mais j’ai constaté que l’angle des prises de vues par transparence n’était pas le bon et qu’il m’était impossible de les faire correspondre. Ensuite, le serpent était trop petit. Il était censé faire neuf mètres de haut. Alors j’ai fait de mon mieux. J’ai posté à l’avant deux machinistes avec des tuyaux d’arrosage pour tenter de faire des raccords avec l’eau à l’écran, puis avec le bateau qui chavirait et les filles qui bougeaient pour dissimuler le plus possible la transparence. J’ai tourné la scène en privilégiant les valeurs et les tons sombres pour que cela ne se voie pas trop. » (1) Surnommé « le monstre du Vortex » dans le film, ce serpent marin garde les côtes de la terre barbare, et finira bêtement ses jours avec une épée plantée entre les yeux, alors que les dialogues semblaient pourtant certifier son indiscutable indestructibilité. Le film s’orne par moments de jolies peintures sur verre, pour les panoramas larges des montagnes Viking et du village barbare, et d’un magnifique décor de château amplement exploité au fil du métrage. Il faut tout de même saluer l’ambition sans borne de Corman, qui aura réussi à boucler cette petite épopée fantastique en dix jours seulement.
(1) Extrait de la biographie “Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime” par Roger Corman et Jim Jerome, publiée en 1990
© Gilles Penso
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