Alexandre Aja revisite le petit classique de Joe Dante dont il tente de retrouver l'équilibre entre humour et horreur
PIRANHA 3D
2010 – USA
Réalisé par Alexandre Aja
Avec Elisabeth Shue, Jerry O’Connell, Steven R. McQueen, Jessica Szohr, Kelly Brook, Ving Rhames, Christopher Lloyd
THEMA MONSTRES MARINS I SAGA PIRANHAS I ALEXANDRE AJA
Troisième remake consécutif réalisé par Alexandre Aja, après La Colline a des yeux et Mirrors, Piranha 3D ressemble à une parenthèse dans la carrière du jeune cinéaste, une sorte de récréation lui permettant de projeter sur grand écran un patchwork d’influences liées aux films de son adolescence. Ainsi, malgré l’outrance de ses effets gore craspecs et les déshabillages intempestifs de ses figurantes siliconées (héritage respectif des films d’horreur et des teen movies des années 2000), cette relecture du Piranhas de Joe Dante (qui fit déjà l’objet d’un remake en 1995) fleure bon les années 80. Le casting témoigne ouvertement de cette tendance, offrant des rôles référentiels à Elisabeth Shue (Karate Kid, Cocktail), Jerry O’Connell (Stand by me), Christopher Lloyd (Retour vers le futur) et Richard Dreyfuss (Les Dents de la mer).
L’utilisation du relief elle-même, argument marketing important du film, n’a jamais la prétention de révolutionner le langage cinématographique mais relève plutôt du gimmick de base qui consiste à envoyer un maximum de projectiles, de monstres grimaçants ou de poitrines plantureuses à la figure des spectateurs, comme au bon vieux temps des Dents de la Mer 3D ou de Meurtres en trois dimensions. S’il reprend le principe du film de Joe Dante et quelques éléments de sa structure narrative, le scénario de ce Piranha n’en conserve ni le scénario, ni les personnages. Ici, les poissons voraces ne sont pas le fruit de manipulations de l’armée mais trouvent leur origine au fin fond de la préhistoire, un séisme sous-marin les ayant soudain ramenés dans le lac Viktoria. Or c’est justement dans ce cadre idyllique que viennent s’ébattre tous les étés des centaines d’adolescents écervelés afin de jouir des innombrables activités culturelles offertes par le « Springbreak » : concours de t-shirts mouillés, beuveries à la bière, ski nautique topless, musique techno envahissante et orgies en tous genres. Evidemment, voilà un repas fort appétissant pour nos piranhas antédiluviens.
Sea, Sex and Blood
« À travers mes films, j’essaie toujours de me mettre du côté des gens qui vont traverser des expériences extrêmes et lutter pour leur survie », explique le réalisateur. « La seule exception est Piranhas 3D où, pour une fois, je suis du côté des monstres, pas de leurs victimes. Je me suis amusé à inverser la tendance parce que ce film est avant tout une comédie. » (1) Certes, le second degré omniprésent est souvent très réjouissant, les séquences horrifiques dégoulinent sans réserves (le massacre final est à ce titre un véritable morceau d’anthologie, porté par des effets de maquillage hallucinants de l’atelier KNB) et l’érotisme dévergondé force la sympathie. Mais à tant vouloir se défouler, Alexandre Aja omet l’essentiel : la construction de personnages intéressants et l’élaboration de séquences de suspense propres à solliciter la participation active du public. A force d’excès, rien ne nous touche et l’impact du film s’en ressent fatalement. Joe Dante lui-même, lorsqu’il décrivait les méfaits joyeux des Gremlins, n’oubliait jamais en cours de route de s’attacher à ses protagonistes. Rien de tel ici. Comme en outre l’humour graveleux frôle par moments l’indigestion (un pénis sectionné coule à pic, puis un piranhas s’en empare, avant qu’un autre ne lui dispute ce met de choix, le membre est enfin englouti avec voracité, puis régurgité avec un rôt bruyant, le tout en plan séquence…) et que les effets 3D approximatifs, bricolés à la va-vite après le tournage, nous assènent quelques dédoublements et effets de flous propices à la migraine, le bilan demeure finalement très mitigé.
(1) Propos recueillis par votre serviteur en juin 2021
© Gilles Penso
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