Une mystérieuse jeune femme enceinte fait un jour irruption dans la vie d’une famille qui, dès lors, va vivre un cauchemar…
THE GODSEND
1980 – GB
Réalisé par Gabrielle Beaumont
Avec Malcolm Stoddard, Cyd Hayman, Angela Pleasence, Patrick Barr, Wilhelmina Green, Joanne Boorman, Angela Deamer, Clarissa Young, Lee Gregory, Piers Eady
THEMA ENFANTS
Réalisatrice d’une impressionnante quantité d’épisodes de séries télévisées depuis le milieu des années 70, Gabrielle Beaumont appartient à une famille d’artistes, de comédiens et d’écrivains depuis quatre générations. Bien installée dans un système qui mettra pourtant du temps à accorder aux femmes les mêmes postes que les hommes, elle apposera son savoir-faire sur des shows aussi variés que Vegas, M.A.S.H., Côte Ouest, Dynastie, Shérif fais-moi peur, Pour l’amour du risque, Les Enquêtes de Remington Steele, Hill Street Blues, La Loi de Los Angeles ou Star Trek la nouvelle génération. Au tout début des années 80, elle signe Les Yeux du mal, l’une de ses rares réalisations pour le cinéma. Le scénario est l’œuvre de son époux Olaf Pooley, qui adapte là le premier roman de Bernard Taylor ,« The Godsend », publié en 1976. Produit par la légendaire compagnie Cannon Films, alors fraîchement reprise par Menahem Golan et Yoram Globus, Les Yeux du mal est une variante inattendue sur le thème de l’enfant maléfique. Si quelques classiques du genre nous viennent à l’esprit (La Mauvaise graine, Les Innocents, L’Autre), le film de Gabrielle Beaumont opte pour une tonalité inhabituelle, s’inscrivant dans un cadre volontairement naturaliste pour mieux y faire surgir l’horreur ordinaire.
Les prémisses du film s’appuient en grande partie sur la présence de la comédienne Angela Pleasence. La fille du grand Donald, avec qui elle partage plusieurs traits physiques, incarne une mystérieuse jeune femme enceinte que rencontrent les membres de la famille Marlowe sur le chemin de leur grande maison dans la campagne. Si Kate (Cyd Hayman) accueille l’inconnue avec bonhommie, son époux Alan (Malcolm Stoddard) la trouve bizarre et un brin inquiétante. Il faut dire que tout dans son attitude suscite le malaise : son regard fixe qui semble flotter ailleurs, son ton exagérément calme et paisible, ses manières distraites. Quand Kate lui demande si c’est son premier enfant, elle répond de manière évasive qu’elle en a « quelques autres ». Alors qu’Alan s’apprête à la raccompagner chez elle, trop heureux de se débarrasser de cette présence dérangeante, elle est prise d’un mal de ventre : le travail a commencé. Avec l’aide de Kate, elle accouche d’une petite fille. Mais le lendemain matin, la jeune mère disparaît sans laisser de trace. La famille Marlowe décide d’adapter l’enfant, prénommée Bonnie. « C’est un don du ciel » s’exclame Kate. Mais ce « don » a tout d’un cadeau empoisonné. Car le cauchemar s’installe bientôt de manière insidieuse et durable dans leur quotidien…
Un don du ciel ?
Si Les Yeux du mal met autant mal à l’aise, c’est sans doute parce qu’il adopte cette histoire sous un angle très réaliste, presque banal. De fait, s’il s’agit clairement d’un postulat de film d’horreur, le traitement choisi par Gabrielle Beaumont est avant tout celui du drame humain. Sans effets trop marqués, sans vraiment sacrifier aux codes du genre, l’angoisse s’instille inexorablement. Et si la violence irradie le récit, elle se déroule toujours hors champ, l’imagination du spectateur reconstituant le fil de chaque événement tragique. La nature diabolique de cet enfant demeure inexpliquée, mais elle saute aux yeux d’Hugh Marlowe, qui refuse d’y croire jusqu’à se contraindre à reconnaître l’évidence envers et contre tous. Ce père de famille en plein désarroi est le pôle d’identification immédiat des spectateurs. C’est d’ailleurs à la première personne que ce personnage s’exprimait dans le roman. À travers ses yeux, nous assistons impuissants à l’hécatombe cruelle qui frappe sa famille, face à la fausse impassibilité de cette fillette trop sage, trop mignonne, trop gracieuse pour être honnête. Et tandis que le drame se noue, le regard vide et inquiétant d’Angela Pleasence continue de hanter le métrage de manière subliminale, justifiant le titre choisi par les distributeurs français.
© Gilles Penso
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