Onze ans après la fin de la série qu’il consacra au roi Arthur, Alexandre Astier prolonge sa vision sur grand écran…
KAAMELOTT, PREMIER VOLET
2021 – FRANCE
Réalisé par Alexandre Astier
Avec Alexandre Astier, Anne Girouard, Thomas Cousseau, Lionnel Astier, Franck Pitiot, Alain Chabat, Joëlle Sevilla, Jean-Christophe Hembert
THEMA HEROIC FANTASY
Inconnu du grand public mais déjà comédien confirmé, auteur de plusieurs courts-métrages et pièces de théâtre avant que sa petite version personnelle des chevaliers de la Table Ronde (Dies Irae) ne le fasse repérer et lui permette d’entamer – presque sur un malentendu – la grande aventure Kaamelott, Alexandre Astier en est à six saisons d’une série à succès de plus en plus ambitieuse et neuf bandes dessinées situées dans le même univers lorsqu’il passe enfin le cap du cinéma. Un projet caressé depuis le point final des aventures du roi Arthur à la télévision, onze ans plus tôt. Après avoir passé le pouvoir du royaume de Logres à Lancelot, son éternel antagoniste, et s’être réfugié à Rome pour échapper au despotisme meurtrier de ce nouveau régent, le fugitif Arthur Pendragon demeure introuvable pendant une dizaine d’années avant que des chasseurs de prime ne remettent la main sur lui par accident. Ou plutôt par la volonté des dieux qui, fatigués des péchés successifs de Lancelot, abattent leurs cartes pour permettre à l’ancien souverain de remonter sur le trône de Bretagne. Pendant ce temps, les ex-chevaliers de la Table Ronde se sont partagés entre collaborateurs, résistants et attentistes.
Point de départ d’une trilogie annoncée avec une décennie d’avance et censée clore définitivement la saga, ce « KV1 » ouvre donc les hostilités par le retour du roi – gardant vraisemblablement la communauté du Graal pour plus tard. Afin d’épauler sa troupe de comédiens maison, le réalisateur qui avait déjà rapatrié Pierre Mondy, Alain Chabat, Patrick Chesnais ou encore Christian Clavier dans son univers, s’entoure à présent de Clovis Cornillac, de Guillaume Gallienne et de Sting (!), apparemment toujours partant pour intégrer des projets atypiques. Assurant lui-même l’écriture, la mise en scène, la musique, le montage, le rôle principal ainsi que la production après avoir joué des coudes pour récupérer les droits intégraux de sa création, notre homme-orchestre se donne les moyens d’accoucher exactement du film qu’il veut. Parce que c’est l’œuvre obsessionnelle d’un seul individu, ce premier volet ne pourra sans doute que creuser l’écart entre fans irréductibles et détracteurs infatigables. Les premiers se féliciteront de retrouver les ruptures de ton, entre humour et gravité, d’une œuvre qui aime travailler la comédie avec sérieux et goûteront cette version customisée où l’on filme enfin les armes de jet en action, où l’on s’attarde sur les décors, où les textures et les couleurs éclatent, mais où l’accent est toujours mis sur les à-côtés peu glorieux de la quête au mépris de ce qui, dans n’importe quel récit épique, en serait le moteur et l’attraction principale. Les seconds accuseront à coup sûr le film de mégalomanie, de n’être pas assez drôle ou justement pas assez épique, refusant l’entre-deux.
Le retour du roi
Mais ce qui est à même de dérouter vraiment ici, c’est la parfaite continuité des principes canonisés par la série, à l’intérieur d’un support duquel on n’attend généralement pas la même chose : remarquablement écrites, les deux dernières saisons de Kaamelott qui avaient su (avec une grande virtuosité) prolonger le côté « saynètes » des précédentes tout en gérant une narration moins décousue et parfaitement construite au sein d’épisodes beaucoup plus longs, surprenaient par de beaux gestes poétiques disséminés au milieu des éternels champs/contrechamps plus impersonnels, captant surtout la performance des comédiens dans leurs joutes survitaminées ou leurs monologues poignants. Au cinéma c’est autre chose : les questions de cadrage, de point de vue, de mouvement, les gestes de mise en scène ne peuvent constituer un « bonus » : ils sont centraux ! Du coup, même si le film recèle évidemment ses moments de grâce (Arthur escaladant la tour, Léodagan ému devant l’arsenal venu envahir sa province, le désenchevêtrement final de l’armée Burgonde), ils semblent assez peu nombreux sur la durée du métrage. Même l’écriture d’Astier, très « musicale » – avec ses gimmicks, ses motifs, ses reprises de thème, ses développements – est aussi fulgurante dans le contexte d’une série (qui permet la répétition, le repentir, l’ajustement progressif du fait de sa longue durée et de son morcellement en épisodes) qu’elle peut interloquer dans un long-métrage où, sur une durée de deux heures censées former un tout, l’on voit la même armée attaquer plusieurs fois, les mêmes personnages revenir sur les mêmes lieux, ralentissant la progression, provoquant une impression de tourner en rond. C’est qu’Astier, fidèle à sa vision du monde, ne permet jamais à ses protagonistes de s’accomplir immédiatement, dès le premier coup, mais seulement à force de ressassement, d’essais successifs, d’épiphanies tardives. Dépassant largement le million d’entrées en salle dès sa première semaine d’exploitation, c’est sans l’ombre d’un doute que ce premier volet permettra à ses suites de voir le jour dans de bonnes conditions – ce dont on devrait se féliciter.
© Morgan Iadakan
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