Une famille de cannibales vivant chichement dans un quartier pauvre de Mexico doit subvenir quotidiennement à ses besoins…
SOMOS LO QUE HAY
2010 – MEXIQUE
Réalisé par Jorge Michel Grau
Avec Paulina Gaitan, Francisco Barreiro, Carmen Beato, Alan Chavez, Daniel Gimenez Cacho, Miriam Balderas
THEMA CANNIBALES
Réalisé au Mexique sous le titre original Somos lo que hay (littéralement « nous sommes ce que nous sommes »), ce récit singulier s’efforce de mixer en un tout cohérent la chronique sociale et le genre horrifique. Son réalisateur et scénariste Jorge Michel Grau, venu du documentaire et de la télévision, souhaite initialement brosser une chronique réaliste sur le thème d’une famille se désagrégeant inexorablement. Sa première approche est donc ancrée dans une réalité crue. Mais au cours du processus de la rédaction du scénario s’impose peu à peu le besoin de recourir aux thématiques du cinéma d’horreur pour mieux servir le propos. L’univers perturbant de Michael Haneke, l’étonnant Buffalo 66 de Vincent Gallo et l’éprouvant Trouble Every Day de Claire Denis nourrissent peu à peu son écriture.
Tout commence par la mort d’un vieil homme en plein centre commercial, laissant sans ressources sa femme et ses trois enfants. Très éprouvée, la famille, issue d’un milieu extrêmement modeste, doit maintenant subvenir seule à ses besoins. Or Alfredo, Julian, Sabina et Patricia ont une particularité : ils ne se nourrissent que de chair humaine, au cours de cérémonies rituelles bien particulières. Leur père ayant toujours ramené lui-même les victimes à domicile, c’est maintenant Alfredo, l’aîné de la famille, qui doit prendre le relais. Mais cet adolescent marginal et timoré ne semble pas prêt à assumer une telle responsabilité. Saura-t-il trouver dans les rues de Mexico le gibier nécessaire pour nourrir les siens ?
Nous sommes ce que nous sommes
Ne nous jugez pas est une œuvre qui se cherche, se drapant de tous les atours d’un film d’auteur sans assumer pleinement le caractère fantastique de son intrigue. L’idée du cannibalisme comme métaphore de la misère humaine est pourtant excellente, mais il eut fallu que Jorge Michel Grau appuie son long-métrage sur une mise en scène moins hésitante et sache effacer les nombreuses incohérences qui amenuisent l’impact de son scénario. De nombreux éléments intéressants constellent pourtant le métrage, notamment les relations ambiguës et conflictuelles établies entre chacun des membres de cette famille fragilisée que le père parvenait tant bien que mal à maintenir soudée dans un équilibre instable. Son absence soudaine ne prive pas seulement son épouse et ses enfants de nourriture. Elle supprime leurs repères et les force à se réorganiser autour de ce rituel dont nous ne comprendrons jamais vraiment la nature. Hélas, le décalage entre les intentions initiales et le résultat final s’avère trop grand pour que le film fonctionne à plein régime, d’autant que l’ajout artificiel d’une enquête policière censée suivre la trace sanglante de cette famille anthropophage fait perdre à Ne nous jugez pas sa qualité principale : le réalisme. Le film de Jorge Michel Grau sera tout de même récompensé en 2011 par le Prix du Jury du Festival du Film Fantastique de Gérardmer et fera l’objet d’un remake américain réalisé en 2013 par Jim Mickle, reprenant son titre original : We Are What We Are.
© Gilles Penso
Complétez votre collection
Partagez cet article