Dans un monde où les super-pouvoirs font partie de notre quotidien, un policier enquête sur une étrange drogue aux effets destructeurs…
COMMENT JE SUIS DEVENU SUPER-HÉROS
2020 – FRANCE
Réalisé par Douglas Attal
Avec Pio Marmaï, Leïla Bekhti, Benoît Poelvoorde, Vimala Pons, Swann Arlaud, Clovis Cornillac, Gilles Cohen, Léonie Souchaud, Camille Japy
THEMA SUPER-HÉROS
En découvrant le roman « Comment je suis devenu super-héros » de Gérald Bronner, paru en 2007, Douglas Attal a un coup de cœur. Réalisateur de courts-métrages (Santa Closed, Soulwash) et comédien (Radiostars, Fonzy, La prochaine fois je viserai le cœur), le fils du producteur Alain Attal est convaincu que ce récit de justiciers aux pouvoirs surhumains serait le support idéal de son premier long-métrage. L’ambition est forte, d’autant que le genre est phagocyté par les grands studios hollywoodiens. Est-il possible de s’attaquer aux super-héros en France sans pâlir de la comparaison avec la déferlante Marvel et DC ? Attal pense que oui, à condition de ne pas chercher à lutter dans la même catégorie. Avec comme sources d’inspiration majeures Watchmen de Zack Snyder et surtout Incassable de M. Night Shyamalan, le jeune cinéaste entend bien inscrire son récit dans un cadre réaliste et familier. D’où la délocalisation des péripéties du roman, situées aux États-Unis, au profit d’une intrigue se déroulant en plein Paris. D’où aussi le choix étonnant de comédiens hétéroclites ancrés dans un cinéma francophone à priori très éloigné du genre fantastique. Car Douglas Attal souhaite prendre les spectateurs par surprise en laissant jaillir le surnaturel au beau milieu de notre quotidien.
Nous sommes donc dans un monde parallèle où les êtres humains doués de pouvoirs surnaturels n’étonnent plus personne. Certains d’entre eux s’étaient d’ailleurs jadis réunis en équipe pour lutter contre le mal. Mais ce petit groupe de super-héros est désormais dissous, ce qui n’empêche pas les super-pouvoirs de continuer à se déployer un peu partout, souvent de manière héréditaire. Dans cet univers alternatif qui ressemble comme deux gouttes d’eau au nôtre, Pio Marmaï incarne le lieutenant de police Moreau, un homme désabusé qui se traîne d’enquête en enquête et qu’on affuble d’une co-équipière venue tout droit de la brigade financière (Vilama Pons). Tous deux se retrouvent bientôt au milieu d’une affaire liée à un trafic de drogue d’un genre particulier. La substance qui circule illégalement permet en effet à ceux qui l’absorbent de posséder momentanément des super-pouvoirs incendiaires. Pour remonter cette filière, Moreau sollicite l’aide de deux anciens super-héros, Monté Carlo (Benoît Poelvoorde) et Callista (Leïla Bekhti)…
French Heroes
Le pari était risqué. Au mieux, Douglas Attal se lançait dans une parodie franchouillarde héritée du Superdupont de Gotlib et Loeb. Au pire, la tentative ressemblait à une version low-cost d’un film Marvel. Mais Comment je suis devenu super-héros arpente une autre voie en s’appuyant sur un savoir-faire incontestable du cinéma français : le polar urbain. Ce sont donc les codes du film policier qu’emprunte prioritairement le film, l’élément science-fictionnel s’y insérant avec naturalisme sans jamais ôter aux personnages leur caractère simple, banal et terre-à-terre. C’est là que le film fait mouche. D’autant que, malgré ce que pourrait laisser entendre le titre, la tonalité n’est pas du tout postmoderne. Aucun clin d’œil référentiel à l’univers des comic books ne vient s’insérer dans les dialogues, aucun discours méta ne s’impose aux spectateurs. Le sujet est ici assumé au premier degré et le concept est mené jusqu’au bout : nous sommes dans un monde réaliste où une frange de la population a des pouvoirs surnaturels. Bien sûr, Comment je suis devenu super-héros est à des années-lumière de Watchmen ou de la série The Boys, l’autre grande référence en matière d’approche réaliste du mythe des super-héros, et quelques maladresses jalonnent le film (des ellipses abruptes dans la narration, une bande originale balourde qui s’achève sur une chanson finale embarrassante). Mais l’initiative est très réjouissante, Pio Marmaï joue avec beaucoup de justesse (comme toujours), Benoît Poelvoorde nous surprend dans un rôle – une fois n’est pas coutume – en demi-mesure et les effets visuels conçus par l’équipe de Mikros Image sont impeccables. Sans cesse repoussée à cause le crise sanitaire, la sortie du film en salles aura finalement été annulée pour une diffusion directe sur Netflix en juillet 2021. Si le succès est au rendez-vous, une séquelle sera très certainement mise en chantier, ce que laisse imaginer sans ambiguïté la fin très ouverte du film.
© Gilles Penso
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