LA DAME EN NOIR (2012)

Le studio Hammer renoue avec ses premières amours en plongeant l'ex-Harry Potter dans un récit d'épouvante gothique

THE WOMAN IN BLACK

2012 – GB

Réalisé par James Watkins

Avec Daniel Radcliffe, Ciaran Hinds, Janet McTeer, Liz White, Shaun Dooley, Roger Allam, Sophie Stuckey, David Burke 

THEMA FANTÔMES

Dans l’atmosphère feutrée d’un grenier coquet, trois fillettes jouent gaiement à la dînette. Soudain, mues par une force invisible, elles abandonnent leurs jeux, se dirigent vers la fenêtre comme des somnambules et se jettent dans le vide. Ainsi commence La Dame en noir, adaptation du roman homonyme écrit par l’auteur anglais Susan Hill en 1983. Le légendaire studio britannique Hammer avait timidement amorcé sa résurrection à travers Laisse-moi entrerLa Locataire et Wake Wood. Avec La Dame en noir, cette renaissance s’affirme pleinement, par le biais d’une élégance, d’un stylisme et d’une atemporalité dignes des joyaux qui firent la réputation de cette compagnie jadis florissante. 

Véritable révélation du film, Daniel Radcliffe nous prouve qu’il y a une vie après Harry Potter. Délaissant les oripeaux encombrants du sorcier à lunettes, il campe avec une sensibilité à fleur de peau le notaire Arthur Kipps, jeune veuf inconsolable missionné dans le village lointain de Crythin Gifford pour régler la succession d’une cliente récemment décédée. Les villageois semblent hostiles à la présence de cet étranger, et l’auberge qui lui sert de refuge n’a plus de chambre à lui proposer. Aussi s’installe-t-il dans le grenier de l’établissement… celui qui fut le témoin du drame pré-générique. La mort semble s’immiscer dans tous les recoins de ce village brumeux, jonché d’endeuillés à la dérive, et les apparitions inquiétantes de la mystérieuse « femme en noir » du titre scandent la vie des autochtones comme autant de mauvais présages. Les pièces du puzzle s’assemblent patiemment, tandis qu’Arthur découvre l’impressionnant manoir de la défunte, perdu au milieu d’un champ désert que recouvre régulièrement la marée. Là, les sombres secrets s’apprêtent à émerger… 

Une réintreprétation moderne des codes du genre

La Dame en noir ne cherche jamais à imiter la flamboyance des œuvres de Terence Fisher, chef de file des artisans de l’âge d’or la Hammer. Aux forêts de studio, James Watkins préfère les décors naturels ; aux couleurs saturées, il oppose une lumière naturaliste. C’est même sur un format Cinémascope, inhabituel en pareil contexte, qu’il choisit de raconter son récit torturé. Pourtant, via cette réinterprétation moderne des codes visuels du genre, il parvient à revenir aux sources d’une épouvante séminale, plus portée sur l’atmosphère oppressante que sur les effets choc. C’est par touches subtiles que la présence d’une entité fantômatique nous est suggérée dans la maison du marais où Arthur Kipps mène l’enquête : reports de point révélateurs, lents mouvements de caméras qu’on devine subjectifs, jeux d’ombres furtifs et menaçants, sons suspects à tous les étages… On pense parfois aux Innocents, à La Maison du Diable, bref aux joyaux éternels de la ghost-story victorienne. Le cinéaste s’éloigne ainsi de l’horreur brute et moderne d’Eden Lake, son premier long-métrage, pour s’enfoncer dans les tourments d’un récit surnaturel teinté de mélancolie et d’effroi larvé.  Très belle réussite formelle, sertie dans une photographie somptueuse, des décors superbes et une bande originale envoûtante, La Dame en noir sait ménager des moments de pure terreur et hante ses spectateurs longtemps après son épilogue.

© Gilles Penso

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