L’EMPRISE DES TENEBRES (1987)

Le film le plus effrayant de Wes Craven prend ses racines à Haïti, terre des pratiques vaudou et source du mythe des zombies

THE SERPENT AND THE RAINBOW

1987 – USA

Réalisé par Wes Craven

Avec Bill Pullman, Cathy Tyson, Zakes Mokae, Paul Winfield, Brent Jennings, Conrad Roberts, Badja Djola, Theresa Merritt

THEMA ZOMBIES I SAGA WES CRAVEN

Suite au colossal succès des Griffes de la nuit, Wes Craven semblait un peu à cours d’inspiration, enchaînant les téléfilms sans saveur (Chiller), les séquelles superflues (La Colline a des yeux 2) et les contes de science-fiction sympathiques mais un tantinet anecdotiques (L’Amie mortelle). D’où un ressaisissement spectaculaire avec L’Emprise des ténèbres, qui revisite d’une manière inédite le thème du zombie. Le parti pris de Craven consiste à traiter la thématique sous l’angle le plus réaliste possible. Le film propose donc un retour aux sources de la pratique vaudou, un argument scientifique liée aux drogues hallucinogènes, et surtout l’implantation du récit au sein d’événements politiques véridiques, un fait plutôt rare en matière de cinéma fantastique. « Tout est parti d’une histoire vraie survenue à Haïti », nous raconte Wes Craven. « Un homme avait succombé d’un seul coup à une étrange maladie. Sept jours après ses funérailles, on le revit bien vivant, déambulant dans les rues comme un zombie ! Il semblait parfaitement conscient, mais incapable de parler, et son rythme cardiaque était très lent. Une grande compagnie pharmaceutique demanda alors Wade Davis, un jeune ethno-botaniste, de partir enquêter sur place. » (1) Davis tira un livre de son expérience, que Craven romança pour les besoins de L’Emprise des ténèbres.

Bill Pullman incarne ici le scientifique – rebaptisé Dennis Allan – envoyé à Haïti pour percer le secret de la poudre qui permet de ramener les morts à l’état de zombies. Il découvre bien vite que ce produit existe bel et bien, qu’il se monnaie cher, et qu’il sert à punir les indésirables, ralentissant le métabolisme humain jusqu’à une illusion parfaite de la mort, entraînant des funérailles prématurées, puis des résurrections surnaturelles. Au cours de ses investigations, Allen découvre également la puissance des « tontons macroutes ». Le chef de ceux-ci, Dargent Peytraud (Zakes Mokae), n’hésite pas à faire appel aux forces occultes pour parvenir à ses fins. Bien qu’imaginaire, ce détestable personnage s’inspire évidemment du dictateur François Duvalier qui régna sur Haïti pendant quinze ans.

Une épouvante crédible et palpable

Lorsque les enquêtes d’Allan commencent à le déranger sérieusement, Peytraud le fait arrêter par la police locale, le torture (au cours d’une séquence franchement éprouvante), puis le fait enterrer vivant en compagnie d’une énorme tarentule ! Échappant de justesse à une mort abominable, l’anthropologue rentre chez lui, sérieusement ébranlé dans ses croyances et ses certitudes. Bien vite, de terrifiantes hallucinations viennent le hanter, notamment lors d’une mémorable séquence de dîner mondain où une main de mort-vivant surgit de sa soupe pour l’attaquer avant que tous les convives ne soient soudain frappés de folie meurtrière. Nimbé d’une épouvante autant crédible que palpable, L’Emprise des ténèbres demeure à ce jour l’un des films les plus originaux et les plus marquants de son réalisateur, laissant dans son sillage des souvenirs macabres surréalistes, comme ce cercueil-prison s’emplissant de litres de sang, ou cette morte-vivante en robe de mariée aux bras démesurés surgissant régulièrement tout au long du récit.

(1) Propos recueillis par votre serviteur en octobre 2005

 

© Gilles Penso

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