L’INVASION DES PROFANATEURS (1979)

Philip Kaufman réinvente le classique de Don Siegel qu'il inscrit dans un contexte d'autant plus oppressant qu'il est réaliste

INVASION OF THE BODY SNATCHERS

1979 – USA

Réalisé par Philip Kaufman

Avec Donald Sutherland, Brooke Adams, Jeff Goldblum, Veronica Cartwright, Leonard Nimoy, Art Hindle, Kevin McCarthy

THEMA EXTRA-TERRESTRES I SAGA BODY SNATCHERS

Il est toujours délicat de s’attaquer au remake d’un classique. Pour éviter de pâlir de la comparaison face à son modèle L’Invasion des profanateurs de sépultures, le chef d’œuvre de Don Siegel, Philip Kaufman a choisi de remplacer l’angoisse paranoïaque et les effets suggérés par une narration lente ponctuée d’effets choc, le tout dans un contexte hyperréaliste. Matthew Bennel (Donald Sutherland), inspecteur de l’institut national de la consommation, réalise peu à peu que tous ceux qu’il côtoie, y compris ses proches, adoptent un comportement étrange. Plus tard, il découvre qu’ils ont été tous remplacés par des envahisseurs extra-terrestres. Des fleurs venues d’outre espace se transforment en effet en cosses de haricots géants qui sont animées d’une vie propre et imitent à la perfection l’enveloppe extérieure des êtres humains… Typique des années 50, un tel sujet aurait pu dépareiller en 1979, mais grâce au naturalisme de la mise en scène et à la justesse des comédiens (Sutherland et Brooke Adams en tête), ces plantes extra-terrestres passent comme une lettre à la poste. Certains dialogues se teintent du coup d’un second degré savoureux, comme lorsque Nancy (Veronica Carthwright) lance :  « Pourquoi pas des fleurs de l’espace ? Pourquoi nous attendons-nous toujours à des vaisseaux métalliques ? » Ce à quoi son époux Jack (Jeff Goldblum) rétorque : « Je ne me suis jamais attendu à des vaisseaux métalliques ! »

Parmi les séquences d’épouvante viscérale qui ponctuent le film, on retiendra en particulier le corps féminin qui tombe littéralement en miettes dans les bras de notre héros et le chien à tête humaine qui gambade sinistrement dans la rue. Ces effets particulièrement impressionnants sont l’œuvre du maquilleur Tom Burman. Le casting offre à chacune des guest stars un rôle taillé sur mesure (en particulier un Leonard Nimoy taciturne et un Jeff Goldblum cynique), et réserve même une apparition très symbolique à Kevin McCarthy, jouant le même personnage que dans le film de Don Siegel, le temps d’un clin d’œil, avant d’être submergé par une horde d’envahisseurs. Siegel lui-même apparaît furtivement dans le film en chauffeur de taxi. Cette manière amusante de passer le relais s’accompagne d’autres figurants de luxe, comme Robert Duvall en prêtre se balançant bizarrement sur une balançoire, ou Kaufman lui-même en quidam s’impatientant devant une cabine téléphonique.

Summum du pessimisme

Le cinéaste dissémine avec une démoniaque habileté les détails qui sèment le trouble et l’étrangeté : regards inquiétants, comportements insolites, cadrages surprenants… Summum du pessimisme, ce remake étouffant va jusqu’à surpasser les séries Le Prisonnier et Les Envahisseurs en matière de paranoïa, ce qui n’est pas peu dire. Quant à la chute finale, inoubliable, elle hisse l’angoisse à son paroxysme, et sera depuis reprise dans de nombreux films d’épouvante, sans qu’aucun d’entre eux ne parvienne toutefois à en égaler l’impact. Pour accroître encore le sentiment de malaise provoqué par cette chute, le générique de fin défile sur un silence de mort, à la manière de celui de La Planète des singes.

© Gilles Penso

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