La franchise sanglante ressuscite après sept ans d’absence, sous la direction des réalisateurs de Daybreakers et Prédestination
Après Saw 3D chapitre final, la franchise initiée par James Wan et Leigh Whannell était censée être définitivement morte et enterrée. Mais allez expliquer ça à des producteurs et des distributeurs en mal de juteux bénéfices. Et puis les spectateurs n’étaient pas vraiment dupes : depuis le quatrième opus de la saga Vendredi 13, chacun sait que le sous-titre « chapitre final » n’est pas à prendre au pied de la lettre. Convaincu par une idée développée par les scénaristes Josh Stolberg et Peter Goldfinger (Piranhas 3D), le studio Lionsgate lance donc la production d’un huitième épisode. Pour ce nouveau départ, deux réalisateurs jusqu’alors étrangers à l’univers de Saw se lancent dans l’aventure : les frères Michael et Peter Spierig, dont l’inventivité avait donné naissance à des œuvres telles que Undead, Daybreakers ou Prédestination. Plus attirés par le suspense que par l’horreur pure, les duettistes décident de mettre un peu la pédale douce sur les tortures et le gore pour se concentrer sur le sentiment de claustrophobie, revenant du même coup aux sources du tout premier Saw qui, contrairement à ses séquelles, n’était pas conçu comme un festival de sévices et de maquillages spéciaux. Tourné à Toronto, cet opus est d’abord titré Saw Legacy avant s’être rebaptisé Jigsaw.
En rupture avec les épisodes précédents, Jigsaw commence comme un film d’action. Au cours d’une poursuite musclée entre des policiers et un malfaiteur qui fracasse sa voiture contre un barrage puis s’enfuit sur les toits, ce dernier finit sous le tir nourri des agents, non sans avoir – visiblement contre son gré – actionné une télécommande qui lance un nouveau jeu macabre. La scène suivante nous transporte sur un terrain plus familier. Cinq personnes se réveillent enchaînées dans un lieu clos, la tête enserrée dans une sorte de seau qui ne laisse de place que pour leurs yeux. Sur le mur en face, des scies circulaires s’activent. Le sanglant parcours du combattant s’amorce. Le calvaire de ces prisonniers – et la mort brutale de plusieurs d’entre eux en cours de route – est monté parallèlement à l’enquête policière. L’inspecteur Halloran (Callum Keith Rennie) ramasse à la petite cuiller des cadavres de plus en plus amochés, tandis que les légistes Logan Nelson (Matt Passmore) et Eleanor Bonneville (Hannah Emily Anderson) analysent les corps et y collectent des indices. Tout désigne le mode opératoire de « Jigsaw », alias John Kramer (Tobin Bell). Mais celui-ci est mort depuis Saw 3. S’agirait-il d’un copycat ? À moins que le décès du « tueur au puzzle » n’ait été qu’une mascarade ?
Le tueur omniscient
Soucieux de doter ce Saw nouvelle génération d’une patine un peu plus luxueuse que les précédents, les frères Spierig soignent tout particulièrement sa mise en forme, confiant à leur directeur de la photographie attitré Ben Nott la lumière du film. S’il est moins mis en avant, le gore est toujours de la partie pour pouvoir s’accorder avec les attentes du public. D’où ce visage à moitié déchiqueté sur une table d’autopsie, cette femme qui se vide de son sang et qu’on retrouve à moitié rongée chez les médecins légistes, ces membres sectionnés en gros plan ou cet homme au corps passé à la moulinette… L’expert en prothèses et en maquillages spéciaux François Dagenais (à l’œuvre sur la saga depuis le second épisode) fait toujours des merveilles en ce domaine, son expérience s’étant enrichie entretemps avec la série Hannibal. Certains pièges sont parfaitement absurdes (ce silo à grain où les captifs se font balancer à la figure tous les objets contondants possibles et imaginables, on se croirait dans un film des ZAZ !) mais c’est surtout la caractérisation caricaturale des protagonistes qui pèche. Sans compter l’éternel problème de crédibilité de cet « escape game » mortel tellement bien minuté que tous ses rebondissements et ses gimmicks semblent plus conçus pour les spectateurs que pour les prisonniers. Comment le tueur peut-il prévoir à tout moment qui va faire quoi, qui va s’en sortir, qui va mourir, qui va se déplacer où, et anticiper chaque action avec autant de clairvoyance ? Sans compter ces rebondissements abracadabrants en fin de métrage qui cherchent tant à surprendre qu’ils en oublient toute quête de vraisemblance, fut-elle minime. Mal accueilli par la critique mais champion du box-office (où il rapporte dix fois sa mise), Jigsaw relance officiellement la saga et la mise en chantier de nouvelles séquelles.
© Gilles Penso
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