Un an après le succès de Willard, une séquelle est mise en chantier avec une nouvelle invasion de rats dangereusement intelligents
BEN
1972 – USA
Réalisé par Phil Karlson
Avec Lee Harcourt Montgomery, Joseph Campanella, Arthur O’Connel, Meredith Baxter, Kenneth Tobey, Rosemary Murphy
THEMA MAMMIFÈRES
Le succès de Willard motiva aussitôt la mise en chantier d’une séquelle, toujours écrite par Gilbert Ralston. Le réalisateur Daniel Mann cède ici la place à Phil Karlson, un stakhanoviste du cinéma et de la télévision dont le nom n’est jamais sorti de l’ombre un peu anonyme de la série B, si l’on excepte peut-être les deux premiers films de la série Matt Helm. Pour s’inscrire directement dans la continuité de Willard, Ben commence exactement là où le film précédent s’arrêtait. Le film emprunte de manière plus consciente que son prédécesseur les codes du cinéma d’horreur. De fait, il se veut plus spectaculaire, comme en témoigne cette première attaque d’un policier qui se passe entièrement de dialogue. Les rats sont d’ailleurs traités ici comme un mystérieux tueur insaisissable qui laisse ses victimes déchiquetées et disparaît sans que la police ne puisse mettre la main dessus. Puis nous faisons connaissance de Danny Garrison, un enfant malade du cœur dont l’apparente joie de vivre cache une grande solitude. Du coup, lorsqu’il rencontre ce gros rat bien dodu dans son jardin, au lieu de partir en courant ou de pousser des hurlements, comme l’auraient fait la plupart des gamins, il trouve là un nouveau compagnon de jeu. Il lui dédie des poèmes qu’il récite en jouant du piano et dort avec lui, comme s’il s’agissait d’une peluche ou d’un animal de compagnie.
Le film joue d’ailleurs avec cette ambiguïté entre le caractère mignon du rat (on n’est pas loin de Ratatouille avec 35 ans d’avance) et son aspect terrifiant (avec l’héritage assumé des Oiseaux d’Alfred Hitchcock). Cette séquelle s’efforce donc de décliner le principe du premier film : un être solitaire – et mentalement un peu perturbé – incapable de développer un lien social normal avec les autres humains et sociabilisant donc avec les rats. Dans Ben, l’étrangeté s’impose surtout à travers sa manière de filmer les passants ou les badauds après une agression de rats. Ils sont immobiles, figés, hébétés, silencieux, comme des zombies ou des possédés. Rien n’explique ce comportement, qui dote le film d’une touche de bizarrerie additionnelle et le fait ouvertement basculer dans le fantastique, alors que Willard conservait une approche réaliste.
Un générique signé Michael Jackson
Les choses prennent la tournure d’une peur primaire et irrationnelle en train de se répandre dans la ville. D’où ce camionneur incapable d’aligner deux mots après une attaque, ou ces employés venus nettoyer les égouts et soudain pétrifiés de terreur. C’est d’ailleurs dans les égouts que se déroule le climax spectaculaire, à côté duquel la fameuse scène des rats d’Indiana Jones et la dernière croisade ressemblerait presque à une promenade de santé. L’un des problèmes majeurs du film est son incapacité à nous faire comprendre à qui il s’adresse. Les nombreuses séquences bon enfant avec Danny évoquent la naïveté un peu guimauve des films live que produisait Disney à l’époque. En revanche, les scènes d’agressions des rats semblent chercher à séduire le public amateur d’horreur et de catastrophe. A force de chercher sa cible, Ben n’en atteint finalement aucune. Le film sombrera donc un peu dans l’oubli et annihilera tout projet de poursuivre cette saga au-delà de deux films, malgré l’immense succès du 45 tour de la chanson du générique de fin, interprétée par rien moins que Michael Jackson.
© Gilles Penso
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