Un groupe d’inconnus remporte un séjour sur une île paradisiaque où leur hôte promet d’exaucer leur souhait le plus cher…
FANTASY ISLAND
2020 – USA
Réalisé par Jeff Wadlow
Avec Michael Pena, Maggie Q, Lucy Hale, Austin Powell, Jimmy O.Yang, Ryan Hanse, Portia Doubleday, Michael Rooker
THEMA EXOTISME FANTASTIQUE I MONDES VIRTUELS ET PARALLELES I VOYAGES DANS LE TEMPS
Commençons par une petite précision : oui, Nightmare Island est bien l’adaptation officielle de la série L’Île fantastique diffusée en France sur TF1 au début des années 80. Étrangement, si le film conserve le nom de la série aux États-Unis (Fantasy Island), la branche française de Columbia a semble-t-il souhaité éviter tout rapprochement avec un programme assimilé « ringard » remontant à ce que le public adolescent pourrait qualifier de Moyen-Âge télévisuel. Accessoirement, il s’agit d’un de ces films qui refuse de se franciser en traversant l’Atlantique, distribué chez nous avec un titre anglais modifié et plus explicite pour les moins anglophones. Nightmare Island est une production Blumhouse, une boîte capable du meilleur mais aussi du pire, sans que le pitch ne puisse nous indiquer de quel côté le film va pencher. Malheureusement, c’est le pire qui nous est proposé ici, ce qui, avec Jeff Wadlow (Action ou vérité, Kick Ass 2) à la barre – il a même co-signé le scénario – n’est finalement si surprenant. Présenté par Jason Blum comme un croisement entre Westworld et La Cabane dans les bois alors qu’il aurait suffi de rappeler le pitch de la série originale, Nightmare Island se veut bien sûr plus gore et violent pour notre époque. Dans L’Île fantastique de notre enfance, M. Roarke (Ricardo Montalban) et son acolyte de petite taille Tattoo (Hervé Villechaize) accueillaient leurs visiteurs sur leur île paradisiaque, avec vahinés et colliers de fleurs de mise, afin de réaliser leur rêve le plus cher. Cela pouvait consister à retourner dans le temps pour revoir un parent disparu, devenir riche, etc… Mais le rêve avait tôt fait de tourner au cauchemar et avant la fin de l’épisode, chacun arrivait à la conclusion que la vie devait suivre son cours et que rien n’arrivait par hasard. Nightmare Island ne change pas la formule et chacun des personnages en viendra à regretter d’être venu.
La série pouvait déjà verser parfois dans une forme de psychodrame teinté d’horreur et de suspense ; ici, la violence est plus frontale. Après une dizaine de minutes, les premières gouttes de sang sont déjà versées. Si l’on a toujours pu reprocher au cinéma d’horreur d’instrumentaliser les victimes à l’écran, reconnaissons néanmoins que les slashers à l’ancienne prenaient leur temps pour installer une ambiance avant de frapper. Nightmare Island adopte une approche « gonzo », dans l’ère du temps (malheureusement). Ainsi, le personnage de Mélanie (Lucy Hale) souhaite se venger d’une fille qui la harcelait au lycée. Si Carrie mettait près de cinq bobines avant de se défouler sur ses bourreaux, Mélanie se réjouit qu’on lui serve immédiatement sa proie derrière une vitre sans tain, ligotée, prête à être torturée. Plus raisonnable, Gwen (Maggie Q), souhaite ne jamais avoir rompu avec son petit ami il y a quatre ans. Mais alors qu’elle se retrouve mariée avec lui et maman d’une petite fille, elle réalise que ce qui la hante vraiment n’est pas la vie qu’elle aurait pu avoir, mais la culpabilité d’avoir déclenché sans le vouloir un accident qui coûta la vie à des occupants de son immeuble. Le film devant meubler pour tenir un peu plus de deux fois la durée d’un épisode télé, Jeff Wadlow choisit de faire monter les enjeux à mi-parcours lorsque les invités réalisent qu’ils n’ont pas été choisis par hasard… Jason Blum avait donc omis de citer Lost parmi les influences du film !
Sea, Sex and Seum
Nicolas Cage était envisagé dans le rôle de Roarke, ce qui donne une idée des intentions de Wadlow. Ce dernier arrive néanmoins à se payer les services de Michael Rooker qui, d’un point de vue strictement capillaire, compense aisément l’absence de Cage… Au sein du casting, on notera le personnage de Brax (Jimmy O. Yang), dont l’homosexualité est présentée de façon totalement « ouverte », sans forcer le trait ni chercher à justifier sa présence. A l’heure où certaines grosses productions en sont encore à considérer un sous-entendu ou un baiser esquissé à l’arrière-plan comme le summum de l’inclusion et de la diversité, Jason Blum et sa clique laissent la porte du placard grande ouverte. Il ne s’agit pas d’entamer un quelconque discours militant mais la présentation de Brax mérite d’être mise en perspective avec la timidité persistante de certains films de studio qui clament pourtant haut et fort leur progressisme. Mais une question vous brûle peut-être les lèvres : où est Tattoo dans cette histoire ? Les spectateurs souhaitant une réponse sont priés de rester jusqu’au bout du film (une gageure !) et leur souhait sera exaucé. Mais comme le démontre Nightmare Island, il n’est pas toujours souhaitable de voir nos vœux se réaliser, et nous ne pouvons que craindre que Blumhouse ne mette à exécution la menace d’une suite annoncée par l’épilogue ! La nomination du film dans la catégorie « pire film de l’année » aux Razzie Awards 2020 devrait nous permettre de dormir tranquille. Sauf que les 50 millions de dollars récoltés au box-office mondial pour une mise initiale de 7 pourrait bien donner des idées à Jason…
© Jérôme Muslewski
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