Captain America, Spider-Man et Santo se retrouvent dans ce film turc improbable qui ne soucie guère des problèmes de droits d'auteurs et de copyrights !
3 DEV ADAM
1973 – TURQUIE
Réalisé par T. Fikret Uçak
Avec Aytekin Akkaya, Deniz Erkanat, Yavuz Selekman, Teyfik Sen, Dogan Tamer, Mine Sun, Altan Günbay
THEMA SUPER-HEROS
Le cinéma d’exploitation turc des années 70/80 a ceci de surréaliste qu’il ne se préoccupe guère des notions de copyrights, de droits d’auteur ou de propriété intellectuelle. En territoire ottoman, la cinématographie ne sortait quasiment jamais des frontières, ce qui permettait tous les emprunts sans le moindre souci juridique. D’où un nombre impensable de Superman, Batman, Captain Marvel, Mandrake, Fantomas ou Fantôme du Bengale venus de Turquie. Entendons-nous bien : il ne s’agissait pas de s’inspirer des super-héros préexistants mais bien de les réutiliser tels quels, en reproduisant leurs costumes et leurs pouvoirs avec les moyens du bord. Dans le genre, 3 Dev Adam (littéralement « Trois Hommes Géants », d’où le titre américain Three Giant Men) atteint des sommets, puisque ses deux héros sont Captain America et le catcheur mexicain Santo, affrontant rien moins que Spider-Man passé ici du côté des méchants ! Le concept même du film dépasse l’entendement. Mais pour ressentir l’ampleur des dégâts, il faut oser voir le long-métrage lui-même.
Le pré-générique donne le ton. Sur une plage, des vilains moustachus accompagnés d’une jeune femme au regard cruel et par Spider-Man (un homme boudiné dans un collant rouge avec des gants et des bottes noirs, une araignée dessinée sur le torse et une cagoule écarlate ornée de longs sourcils touffus) enterrent une femme dans le sable jusqu’à la tête puis lui déchiquètent le visage avec l’hélice d’un bateau ! L’effet est suggéré (nous ne sommes pas chez Lucio Fulci) mais ça commence tout de même très fort. Après un générique interminable où s’animent des photos sur une musique « empruntée » à John Barry (il s’agit d’un extrait de la B.O. des Diamants sont éternels, pourquoi se priver ?), les scènes de poursuites, de filature et de bagarres s’enchaînent mollement.
Les tortures raffinées du vil Spider-Man
Puis Captain America surgit, dans une panoplie très fidèle à celle de son modèle dessiné, si ce n’est que son fameux bouclier manque à l’appel. Notre justicier bleu blanc rouge – qui est ici insensible aux balles – assomme à tour de bras les méchants à moustache et libère une demoiselle en détresse avant de prendre en chasse le vil Spider-Man. Santo entre alors en scène. Le masque brillant, la cape ample et le poitrail massif, comme son jumeau latino-américain, il s’échauffe avec trois karatékas puis entre dans la bagarre générale. Spider-Man, lui, continue à pratiquer les tortures raffinées (visage dévoré par un rat, couple en plein ébat transpercé sous une douche) et semble bizarrement capable de se dédoubler à loisir. De la violence graphique, un soupçon d’érotisme, des combats interminables entre gentils et méchants (où les acteurs/cascadeurs ne ménagent pas leurs efforts physiques), telle est donc la recette de cet hallucinant Three Giant Men ne reculant devant aucun détail grotesque (un homme qui se douche en slip) ou incompréhensible (des mannequins en bois qui ricanent devant un couple faisant l’amour) tout en pillant allégrement toutes les bandes originales de film qui lui passent sous la main au fil d’un montage totalement anarchique. Bref, un film tellement improbable qu’il en devient automatiquement culte.
© Gilles Penso
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