Pour finir son premier cycle cinématographique, la tortue géante Gamera partage l'affiche avec trois super-héroïnes parfaitement improbable
SUPER MONSTER GAMERA / UCHU KAIJU GAMERA
1980 – JAPON
Réalisé par Noriaki Yuasa
Avec Mach Fumiake, Yaeko Kojima,Yoko Komatsu, Keiko Kudo, Koichi Maeda, Toshie Takada, Hiroji Hayshi, Makoto Ikeda
THEMA REPTILES ET VOLATILES I SUPER-HEROS I EXTRA-TERRESTRES I SAGA GAMERA
Conçue au départ par le studio nippon Daei pour concurrencer le succès de la saga Godzilla, la tortue géante Gamera a connu bien des aventures depuis ses premiers pas en 1964, se laissant volontiers influencer par les tendances et les phénomènes de mode. Du coup, ce huitième épisode surfe sur la vague de Star Wars et Superman sans malheureusement s’en donner les moyens. Après un générique sous forme d’une chanson naïve à la gloire du gentil Gamera, un immense engin spatial entre dans le champ stellaire, façon La Guerre des étoiles. Il s’agit du vaisseau de Zanon, qui a décidé de dominer la Terre. Mais heureusement, Kilara, Marsha et Mitan, trois jolies Japonaises, vont s’opposer au vil conquérant. Car sous leur identité respective d’employée d’une animalerie, de vendeuse de voiture et d’institutrice, il s’agit de trois authentiques super-héroïnes. La preuve : elles communiquent à distance par l’intermédiaire de leurs boucles d’oreille, puis changent de tenue en une seconde (capes, bottes, collants, bref la panoplie complète) avant de s’envoler gracieusement dans les airs. Leur véhicule est un van (appelé « Mon Toutou » en français) qui se transforme en boule incandescente volante dès que l’une d’entre elles joue trois notes sur le petit clavier électronique du tableau de bord. Toutes les trois se retrouvent alors dans un décor bizarre (des rideaux blanc et un peu de fumée) et se lancent dans un débat houleux : « J’ai ressenti quelque chose de bizarre, pas vous ? » – « Non. » – « Alors reprenons notre forme normale. » – « Pourquoi ? » – « Peu importe ».
A peine a-t-on le temps de se remettre de ce dialogue vertigineux que notre trio entame une chorégraphie façon Claude François pour retrouver son apparence civile. Envoyées de la planète Paix88, nos Superwomen se dissimulent ainsi parmi nous pour mieux nous protéger. Entre-temps, Giruge, une envoyée maléfique de Zanon, débarque sur Terre avec le pouvoir d’électrocuter d’un seul toucher les indésirables qui lui barrent la route. Et nous n’en sommes qu’à huit minutes de métrage. Prometteur, n’est-ce pas ? Hélas, le reste du film n’est qu’un enchevêtrement évasif de stock-shots empruntés aux films précédents. Gamera y affronte ses ennemis passés (Gyaos, Zigra, Viras, Jiger, Guiron, Barugon) au sein d’un best-of monté dans le désordre le plus total.
Un joli festival de n'importe quoi
Entre ces très nombreux extraits, les trois super-héroïnes dialoguent entre elles ou avec Kenichi, un petit garçon facétieux qui, hélas, adore jouer de l’orgue en chantant des odes à Gamera. Lorsqu’il ne chante pas, le bougre fait des rêves prémonitoires qui permettent de prévoir les prochaines attaques de Zanon. Bref, un joli festival de n’importe quoi qui nous offre même une relecture excentrique des origines de Gamera. Il ne s’agit plus d’un monstre antédiluvien réveillé par une explosion nucléaire mais d’une petite tortue de mer que le gamin lâche dans l’océan et qui, aussitôt, se transforme en monstre de 60 mètres de haut ! Conçu pour remettre à flots le studio Daei, Super Monster Gamera le poussa au contraire à la faillite, et il fallut attendre 1995 pour que Gamera renaisse de ses cendres avec panache. Pour la sortie du film en France, les distributeurs prirent quelques libertés avec le nom de la vénérable tortue rebaptisée tour à tour Gameka ou Gamerak (cette dernière orthographe cherchant visiblement à capitaliser sur la popularité alors immense de Goldorak).
© Gilles Penso
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