MALEVIL (1980)

Un film post-apocalyptique tiré d'un roman de Robert Merle, d'autant plus inquiétant qu'il est sobre et réaliste

MALEVIL

1980 – FRANCE

Réalisé par Christian de Chalonge

Avec Jacques Villeret, Jean-Louis Trintignant, Jacques Dutronc, Michel Serrault, Robert Dhéry, Hanns Zischler

THEMA FUTUR I CATASTROPHES

S’appuyant librement sur un roman écrit en 1972 par Robert Merle, Christian de Chalonge nous propose avec Malevil une vision très personnelle de ce que pourrait être le monde rural après l’apocalypse. Très réaliste, évacuant tout glamour et tout héroïsme archétypal, le film prend place dans un petit village français digne d’une image d’Epinal. Emmanuel (Michel Serrault), le maire, discute plans d’urbanisation, distribution de courrier et dégustation de vin avec six hommes et une vieille femme réunis dans sa cave. Soudain une gigantesque explosion retentit au-dehors, suivie d’une immense vague de chaleur. Lorsqu’ils osent enfin mettre le nez dehors, tous les sept réalisent que le village s’est mué en amas de ruines fumantes. Tous les habitants et une bonne partie des animaux sont morts calcinés. Au cours des jours suivants, la survie commence à s’organiser. Tandis que Momo (Jacques Villeret), un attardé de 32 ans, ramène parmi leur petit groupe Evelyne (Pénélope Palmer), une jeune fille réfugiée dans une grotte devenue aveugle suite à l’éclair mystérieux, l’électricien Colin (Jacques Dutronc) essaie de fabriquer un émetteur afin de communiquer avec d’éventuels autres survivants.

Un dilemme moral commence à se poser lorsque des affamés viennent piller leur champ de blé. Pour sauvegarder leurs vivres, nos rescapés abattent trois de ces indésirables. Ont-ils eu raison ? N’ont-ils pas agi à la manière des naufragés sur un radeau qui coupent les mains de ceux qui veulent monter à bord avec eux ? Un jour, ils découvrent que non loin d’eux, dans un train abandonné au fond d’un tunnel, une autre communauté existe, dirigée d’une poigne de fer par Fulbert (Jean-Louis Trintignant), surnommé « le directeur ». Cette microsociété n’a pas grand rapport avec la leur, d’autant que l’autorité semble tout y régir et que les femmes sont obligées de s’accoupler avec les hommes pour procréer et repeupler la planète. Ce qui devait arriver arrive : les deux clans s’affrontent et s’entretuent, en un terrible constat de l’indécrottable stupidité de la nature humaine. 

L'apocalypse vue depuis la campagne française

Malevil présente ainsi l’originalité de nous montrer le point de vue des gens simples sur un cataclysme planétaire, de nous décrire un futur hyper-réaliste et terriblement familier, de nous laisser envisager une apocalypse ô combien plausible (jamais le mot nucléaire n’est d’ailleurs prononcé, et la véritable nature de la catastrophe demeure indéterminée, tout comme dans le livre qui se contente d’évoquer « l’événement »). La mise en scène, tirant son efficacité de sa simplicité, sait ménager de la place pour que l’atmosphère s’installe et pour que les comédiens – tous excellents – s’expriment librement. La musique de Gabriel Yared y est rare et discrète, et le vent sature bien souvent la bande son. Lorsque s’installe enfin un retour au calme, une intrusion brutale et inattendue du modernisme vient violer ce cadre naturel atemporel, brisant net la liberté symbolisée par un cheval galopant seul sur une étendue déserte, et laissant Malevil s’achever sur une note amère et désillusionnée. Malgré les qualités du film, Robert Merle n’y retrouva pas l’esprit de son roman et demanda le retrait de son nom au générique, lequel se contente donc de mentionner : « d’après un roman publié aux éditions Gallimard ».

 

© Gilles Penso

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