VORACE (1999)

Antonia Bird aborde le thème du cannibalisme sous un angle inattendu en s'appuyant sur un contexte historique réel

RAVENOUS

1999 – USA / GB / MEXIQUE / REPUBLIQUE TCHEQUE

Réalisé par Antonia Bird

Avec Guy Pearce, Robert Carlyle, David Arquette, Jeremy Davies, Jeffrey Jones, John Spencer, Stephen Spinella

THEMA CANNIBALES

Vorace aborde le thème du cannibalisme sous un angle surprenant, en s’inspirant de la légende indienne du Wendigo, une créature anthropophage qui tire sa force de la chair humaine qu’elle dévore. Mais loin de toute atmosphère fantastique ou surnaturelle, le film d’Antonia Bird prend place dans un contexte historique réel : la guerre américano-mexicaine de 1847. Le capitaine John Boyd est parvenu à franchir les lignes ennemies et à renverser les troupes adverses. Mais on découvre bien vite que son acte était guidé par la lâcheté, puisqu’il s’est fait passer pour mort et s’est laissé entasser dans la fosse commune sans se manifester. En guise de promotion, le voilà donc relégué dans un placard, c’est-à-dire envoyé en mission dans le Fort Spencer, perdu au beau milieu des montagnes enneigées de la Sierra Nevada. Là, ses compagnons et lui recueillent un soir Colquhoun, un homme hagard et terrifié qui leur conte une effrayante histoire : lui et son groupe se sont égarés dans les bois et ont trouvé refuge dans une caverne aux alentours. Pour survivre, ils ont dû manger leurs animaux, puis se sont attaqués au corps de l’un des leurs, mort entre-temps. Mais Ives, le chef du groupe, décida d’accélérer le processus en tuant les autres pour les dévorer. Touchés par ce récit, John Boyd et ses compagnons partent en quête de cette fameuse caverne pour faire cesser les agissements de Ives… et l’expédition tourne au cauchemar.

Ici, le cannibalisme a des vertus toutes particulières : il guérit les blessures, ravive les mourants, rend plus fort, mais aussi plus avide et plus affamé. Ceux qui s’en sont rendus compte le pratiquent donc comme une thérapie, violente et agressive certes, mais justifiée par un instinct de survie transformé peu à peu en voracité insatiable. Le sang coule donc à flots dans Vorace, les chairs se déchirent et les armes blanches frappent plus que de raison, accompagnés des effets spéciaux de maquillage du trio KNB. Mais nous avons moins affaire ici à un film gore qu’à une satire acerbe sur le pouvoir et les vertiges qu’il procure. Le consumérisme pathologique de la société américaine est également en ligne de mire, métaphoriquement transposé ici en cannibalisme obsessionnel et maladif.

Consumérisme pathologique et anthropophagie

Habituée jusqu’alors aux drames intimistes et contemporains pour le petit et le grand écran, la réalisatrice Antonia Bird nous surprend dans un registre qui semblait lui être jusqu’alors étranger, à mi-chemin entre la reconstitution historique et le film d’horreur. Guy Pearce, futur amnésique de Memento, et Robert Carlyle, strip-teaser amateur de The Full Monty, nous offrent des prestations tout à fait étonnantes, et portent à eux deux toute l’intensité de cette inquiétante fable. Leur affrontement final, excessif et dantesque, voit sa violence compensée par le cynisme du ton. A leurs côtés, Jeffrey Jones (comédien calamiteux dans Ed Wood) et David Arquette (policier maladroit dans Scream) campent de fort pittoresques soldats. Les décors naturels magnifiques captés en République Tchèque, la mise en scène nerveuse à souhaits et une bande originale folklorique jouant volontiers les contrepoints achèvent de faire de Vorace une œuvre fort curieuse qui regorge d’idées et d’intérêt.


© Gilles Penso

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