TRAUMA (1993)

Dario Argento dirige pour la première fois sa fille Asia dans le rôle d’une jeune fille prise en chasse par un tueur en série

TRAUMA

 

1993 – ITALIE / USA

 

Réalisé par Dario Argento

 

Avec Christopher Rydell, Asia Argento, Piper Laurie, Frederic Forrest, Laura Johnson, Brad Dourif

 

THEMA TUEURS I SAGA DARIO ARGENTO

En digne successeur de Mario Bava, Dario Argento s’est lancé dans l’aventure cinématographique avec le « giallo », ce genre si particulier à la croisée du policier, de l’horreur et du thriller. Après lui avoir offert quatre de ses plus beaux fleurons, Argento s’est mis à aborder des thèmes plus ouvertement fantastiques (Suspiria, Inferno, Phenomena). Mais chassez le naturel et il revient au galop… ou plutôt au giallo ! Comme il le fit avec Ténèbres en 1982, Argento replonge donc de plain-pied dans ses premières amours avec Trauma. Mais peut-on réellement créer le renouveau et la surprise à partir d’intrigues et de thèmes finalement plutôt limitées ? A la vision de Trauma, on a hélas tendance à penser que non. Car la grande faiblesse du film réside dans son scénario, pas suffisamment surprenant dans la mesure où que la clef de l’énigme s’inspire largement de Pas de printemps pour Marnie et Sœurs de sang. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer combien De Palma et Argento semblent s’influencer l’un l’autre. Lorsque le jeune couple de Trauma s’embrasse sur une musique de Pino Donaggio tandis que la caméra tourne autour d’eux, on ne peut s’empêcher de penser aux effets de style du réalisateur de Pulsions. Mais en posant la question à Argento, on constate que le sujet est sensible. « On me compare parfois à De Palma, mais nous ne faisons pas la même chose », dit-il un brin agacé. « Il a quand même imité une des scènes de Ténèbres dans L’Esprit de Caïn pour révéler le tueur derrière le héros. Il a même affirmé qu’il avait amélioré mon idée ! » (1)

 

Les faiblesses du scénario de Trauma n’empêchent cependant pas l’intégration d’éléments pleins d’intérêt, en particulier l’anorexie dont est touchée l’héroïne, interprétée par une Asia Argento sensible, belle et fragile qui constitue la vraie révélation du film. « Je ne saurais pas me prononcer pour d’autres réalisateurs qui travaillent avec leurs enfants, mais en ce qui me concerne c’est très facile », nous dit Dario Argento. « Asia connaît très bien mon travail et mon univers, elle s’y plonge sans aucun problème et donne à chaque fois le meilleur d’elle-même » (2). Asia incarne une jeune fille d’origine roumaine qui s’enfuit après avoir assisté à la mort violente de ses parents au cours d’une séance de spiritisme. Elle trouve refuge chez un dessinateur qui travaille dans une station de télévision locale. Tous deux sont bientôt pris en chasse par un tueur en série… Aux côtés de la fille de Dario, la distribution compte des acteurs tout aussi convaincants, comme Christopher Rydell, Piper Laurie (une mère déjà très tourmentée dans Carrie de… Brian de Palma !) et Brad Dourif, dans une apparition courte mais mémorable.

Une guillotine portative

Toute une série de trouvailles visuelles émaillent le film, en particulier les meurtres eux-mêmes, commis avec une arme hors du commun : un fil de fer qui se referme par un mécanisme électrique autour du cou de ses victimes ! Tom Savini, maître du gore, qui avait déjà collaboré avec Argento sur Deux yeux maléfiques, nous offre donc des décapitations très spectaculaires, dont l’une avec un ascenseur, dans une scène qui va bien plus loin que ce que Dick Maas avait osé montrer dans The Lift. Au-delà de ces passages choc, il faut reconnaître les indéniables qualités de la mise en scène du cinéaste italien, avec quelques séquences très réussies comme celle où le petit garçon s’introduit chez l’assassin en sa présence, un moment de suspense particulièrement efficace. A cette maestria s’ajoute une tentative intéressante d’entrer dans la subjectivité du personnage principal, à travers des éléments sonores apparemment anodins comme la sonnerie étrange d’un téléphone ou la chute sourde d’un crayon sur le sol. En revanche, on pourra regretter l’abandon des éclairages graphiques, des prises de vues insolites (à l’exception d’un plan surprenant qui adopte le point de vue d’un papillon) et des décors baroques qui ont marqué le style du réalisateur. Ni cruelle déception, ni coup de génie, Trauma s’inscrit donc logiquement mais sans surprise dans la continuité filmographique de Dario Argento.

 

(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 1994

(2) Propos recueillis par votre serviteur en février 2011

 

© Gilles Penso

 

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