Venice, Californie : un enseignant enquête sur un monstre mutant qui surgit des eaux pour dévorer la population…
SLITHIS / SPAWN OF THE SLITHIS
1978 – USA
Réalisé par Stephen Taxler
Avec Alan Blanchard, Judy Motulsky, Mello Alexandria, Win Condict, Dennis Lee Falt, Prudie Butler, Dale Caldwell
THEMA MUTATIONS I MONSTRES MARINS
Le poster spectaculaire de Slithis a titillé l’imagination de beaucoup de fantasticophiles à l’ère bénie des vidéoclubs. Cette créature amphibie transportant dans ses griffes une femme nue sur fond de cité nocturne était prometteuse, ravivant et modernisant la flamme des films de monstres des années 50. Hélas, ce qui se cache derrière cette jaquette évocatrice n’a rien de très enthousiasmant, c’est le moins qu’on puisse dire. Filmé en douze jours à Venice, au fil d’un tournage marathon émaillé de journées de travail s’étirant chacune sur une bonne quinzaine d’heures consécutives, Slithis est l’un des descendants les plus improbables de L’Étrange créature du lac noir, dans la droite lignée de l’Octaman d’Harry Essex. La première scène est déjà assez étrange. Deux enfants jouent au frisbee au ralenti, accompagnés par une musique de dessin animé, puis découvrent au bord d’un canal les cadavres ensanglantés et mutilés de deux chiens. Au bout de cinq minutes de métrage, la silhouette de l’auteur de ce massacre nous est révélée. Même si la pénombre cache les détails de sa morphologie, nous comprenons bien vite la nature de la « bête » : un homme engoncé dans un costume en caoutchouc qui lui donne des allures de bibendum écailleux. Le monstre s’introduit dans une maison au bord de l’eau et en dévore les occupants. Rien ne va plus à Venice, Californie. La police est sur les dents, pensant se trouver face aux meurtres rituels d’une sorte de secte…
Le héros de Slithis est Wayne Connors (Alan Blanchard), enseignant en journalisme dans un lycée californien qui rêve de tomber sur le scoop qui lui permettra de quitter les bancs d’école pour partir sur le terrain. Or ces crimes mystérieux pourraient bien lui en donner l’occasion. En fouinant sur les lieux du double meurtre, il trouve une sorte de boue qu’il fait analyser par l’un de ses confrères, professeur en biologie. Celui-ci résume la situation en termes abscons : « c’est à la fois organique et non-organique ». Nous voici bien avancés. Voyant que l’intrigue ne semble pas prête à évoluer, le personnage se lance dès lors dans un long monologue explicatif conçu pour justifier le postulat sur lequel repose le scénario du film. Nous apprenons ainsi que les déchets nucléaires d’une usine se sont déversés dans l’eau de la marina et ont provoqué la création d’un organisme protoplasmique en mutation que les scientifiques ont baptisé « Slithis » sans être capables de le reproduire en laboratoire. Serait-il possible qu’un protoplasme de cette nature ait continué à évoluer sous les eaux jusqu’à se muer en prédateur mi-homme mi-poisson ? Bon sang, mais c’est bien sûr ! Wayne sent qu’il tient enfin son scoop.
Un homme-poisson pas très frais
Slithis passant beaucoup plus de temps à détailler l’enquête de son personnage principal qu’à mettre en scène sa créature, nous sommes obligés de subir d’interminables séquences de dialogues filmées dans un style très télévisuel. La plupart du temps, la caméra est fixe et les comédiens débitent leurs tonnes de répliques. Ces derniers s’efforcent de jouer leur rôle avec un maximum naturalisme, sauf l’interprète d’un inspecteur de police (un certain Hy Puke, non crédité au générique) qui, pour une raison qui nous échappe, décide de donner la réplique au héros en criant de manière hystérique, en grimaçant comme un personnage de Tex Avery et en gesticulant de manière visiblement incontrôlable. Cette séquence grotesque est le grand moment d’humour involontaire du film. D’autres personnages improbables surgissent au cours des investigations de Connors, notamment un scientifique dont la moitié du visage a été ravagée par les radiations. Le monstre, lui, n’intervient que de manière sporadique pour attaquer la population, les voitures et les bateaux. Dans ces moments, Stephen Taxler ne sait visiblement plus comment gérer sa mise en scène. Dans le doute, il expérimente tout ce qui lui passe par la tête : image filtrée en rouge, ralentis, faux raccords, sons désynchronisés, effets de solarisation, arrêts sur image… Pendant ce temps, Win Condict, l’interprète de la créature, souffre le martyre, étouffant dans un costume en latex sans fermeture éclair ni boutons qu’il doit donc garder toute la journée. Dans la foulée de Slithis, Taxler envisageait déjà une séquelle où le monstre se mettrait à semer la panique en plein Los Angeles, mais il ne parvint pas à la financer. Il devint alors directeur de production à Hollywood sur de gros films tels que Invasion U.S.A., Waterworld ou Windtalkers. Les autres membres de l’équipe du film ont pour la plupart disparu dans la nature.
© Gilles Penso
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