Cinquième long-métrage de Woody Allen, Woody et les robots s’inscrit donc à l’orée de sa fort prolifique carrière, en ces temps où l’une de ses influences majeures était l’âge d’or des films muets burlesques. Congelé en l’an 1973 suite à une bénigne intervention chirurgicale, Miles Monroe, propriétaire d’une boutique de restauration macrobiotique, est réveillé deux cents ans plus tard par des scientifiques s’opposant au régime totalitaire alors en vigueur. Complètement dépassé par les événements, Miles, à qui Allen prête évidemment ses traits nerveux et cartoonesques, n’est répertorié sur aucun ordinateur de cette société futuriste où les robots sont omniprésents. Les rebelles comptent donc se servir de lui pour infiltrer les systèmes de sécurité. Mais les autorités interviennent, mitraillent tout le monde, et Miles est obligé de se déguiser en robot pour passer inaperçu. Interprétés par des mimes arborant un masque blanc, les robots du film semblent être devenus les parfaits compagnons des humains en cette belle année 2173. Pour se faire passer pour l’un d’eux, Allen s’affuble d’un grossier maquillage blanc et se coiffe d’un bol en métal. L’effet comique n’est certes pas subtil, mais il est garanti. Surtout lorsque l’humaine chez qui il a échoué (l’excentrique poétesse Luna, interprétée par l’incontournable Diane Keaton) l’envoie se faire démonter pour une révision complète.
A vrai dire, le scénario semble surtout être conçu pour accumuler les gags visuels hérités du slapstick des années 20, à grand renfort de courses poursuites en accéléré soulignées par une musique ragtime qu’interprète Woody Allen lui-même. Le film n’est donc guère avare en acrobaties vertigineuses, en envolées dans des costumes gonflables ou en glissades sur des peaux de banane géante. On y décèle aussi l’héritage de Jacques Tati et de le cultissime The Party de Blake Edwards, Woody Allen se débattant souvent sans paroles dans un monde où sa maladresse semble décuplée. Avec une mention spéciale pour la séquence où Allen et Keaton doivent se faire passer pour des chirurgiens renommés en pleine séance de clonage expérimental à partir d’un nez dont il faut reproduire les cellules !
Le meilleur des mondes
Mais si Woody et les robots se positionne ouvertement avant la période réflexive et analytique de son auteur, le film n’en demeure pas moins une cinglante satire socio-politique, décrivant un futur aseptisé dans lequel les gens font l’amour en quelques secondes dans des machines à orgasme, s’abrutissent devant les mille chaînes que propose la télévision et préfèrent vivre heureux et stupides plutôt que résister à leur omnipotent leader. Soucieux de la crédibilité de son univers anticipatoire, Allen filme des décors et des véhicules futuristes simples mais fort efficaces. Et puis, référence ultime, il dote l’un de ses ordinateurs de la voix de Douglas Rain, celui-là même qui interprétait HAL 9000 dans 2001 l’odyssée de l’espace. Bref, Woody et les robots est un véritable bol d’air, bénéficiant en outre d’une narration rapide ne s’embarrassant d’aucune perte de rythme, et d’un final abrupt en forme de réplique-gag absurde.
© Gilles Penso
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