Pour son premier long-métrage, Robert Krzykowski lance un ancien héros de guerre aux trousses d'un redoutable yéti
THE MAN WHO KILLED HITLER AND THEN THE BIGFOOT
2018 – USA
Réalisé par Robert D. Krzykowski
Avec Sam Elliott, Aidan Turner, Caitlin Fitzgerald, Larry Miller, Ron Livingston
1987. Calvin Barr est un paisible septuagénaire qui coule des jours tranquilles dans la Nouvelle-Angleterre. Sa vie est rythmée par une routine simple : il vit seul, nourrit son chien, traîne dans le bar du coin… Mais régulièrement, des flashs issus de son passé viennent le tourmenter. Car plusieurs décennies auparavant, il fut chargé d’une mission capitale : se faire passer pour un officier allemand, pénétrer le bureau extrêmement protégé d’Adolf Hitler et le tuer. Il remplit cette mission impossible avec succès et parvint à s’enfuir. L’acte était exceptionnel, héroïque, miraculeux, mais Calvin n’en retira aucune gloire. Assassiner un homme, fusse-t-il le pire être humain de la planète, l’obligea à recourir à une violence qu’il a toujours exécrée. Or aujourd’hui, près de vingt-cinq ans plus tard, des membres du gouvernement viennent à sa rencontre pour le charger d’une nouvelle mission : partir traquer le légendaire Bigfoot, porteur d’un virus mortel susceptible de mettre en danger l’humanité toute entière, et l’éliminer…
Sur un postulat aussi étonnant, Robert D. Krzykowski a bâti une œuvre totalement inclassable. Loin du film d’aventure fantastique postmoderne et référentiel que son titre laissait imaginer, L’Homme qui a tué Hitler et puis le Bigfoot emporte ses spectateurs sur un terrain inattendu. Si l’action et les monstres sont de la partie, l’émotion est aussi au bout du chemin, portée en grande partie par la prestation de Sam Elliott, présent dans des œuvres aussi diverses que Butch Cassidy et le Kid, Psychose phase 3, Road House, Gettysburg, Tombstone, The Big Lebowski, Hulk ou A Star is Born. « Ça n’était pas le moindre des défis : raconter une histoire qui respecte la promesse du titre tout en étant crédible et honnête », raconte le réalisateur. « Derrière les grands événements historiques auxquels a contribué le héros du récit, je voulais adopter un ton mélancolique » (1). Parrainé par des figures prestigieuses du cinéma fantastique (l’équipe des effets visuels de Rencontres du Troisième Type, le réalisateur de May et The Woman, le scénariste de Piranhas et Hurlements), Krzykowski nous offre ainsi une œuvre à la fois ambitieuse et intimiste, fantasmagorique et pourtant réaliste, gorgée d’effets spéciaux invisibles et de paradoxes temporels imperceptibles.
Le grand écart
L’Homme qui a tué Hitler et puis le Bigfoot ose ainsi le grand écart, passant d’une séquence extrêmement émouvante, où Calvin pleure seul dans sa chambre parce que la situation l’a obligé à recourir à la violence, à un flash-back très « pulp » où le même personnage, plusieurs décennies plus tôt, est déguisé en nazi et arbore une montre dont les aiguilles ont la forme d’une croix gammée qui tourne ! Cette « danse permanente » entre deux états d’esprits dote le film d’une qualité presque expérimentale. Et comme il a décidé de tenir ses promesses, Krzykowski met en scène l’un des Bigfoot les plus surprenants jamais vus à l’écran, une sorte d’homme-singe malingre et squelettique conçu par l’atelier Spectral Motion sous la supervision de Mike Elizalde (Hellboy, Stranger Things) et sous l’influence manifeste des dessins de Bernie Wrighston. Atypique, surprenant, drôle, émouvant, palpitant, ce premier film porte déjà la marque des plus grands.
(1) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2018.
© Gilles Penso
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