Un oppressant huis-clos en plan-séquence concocté avec un budget anémique par le cinéaste uruguayen Gustavo Hernandez
LA CASA MUDA
2010 – URUGUAY
Réalisé par Gustavo Hernandez
Avec Florence Colucci, Gustavo Alonso, Abel Tripaldi, Maria Salazar
THEMA FANTÔMES
L’idée d’un long-métrage en temps réel constitué d’un unique plan séquence n’est pas nouvelle. Alfred Hitchcock, toujours friand de nouvelles expériences, s’était déjà frotté à l’exercice en 1948 avec La Corde, même s’il dérogeait parfois à la règle de la continuité de prise de vue en s’octroyant la liberté de quelques coupures dans son montage. La volonté d’adapter le concept à un film d’épouvante claustrophobique était cependant séduisante, d’autant que The Silent House (La Casa Muda dans sa langue d’origine, autrement dit « La Maison Muette ») est officiellement le premier film de genre produit en Uruguay. Avant même son premier tour de manivelle, il s’agissait donc d’un petit événement, bouclé pour un budget anémique équivalent à quelque six mille dollars. Le scénario lui-même, œuvre d’Oscar Estevez, cultive la simplicité. Laura (Florencia Colucci) et son père Wilson (Gustavo Alonso) s’installent dans une maison de campagne privée d’électricité pour la retaper avant sa mise en vente. La première nuit qu’ils passent sur les lieux est ponctuée d’étranges phénomènes. Car des bruits inexpliqués et particulièrement inquiétants proviennent soudain du dernier étage de la maison…
Voilà pour le point de départ. A partir de là, l’angoisse s’instille en douceur, captée par une caméra qui ne lâchera plus d’une semelle son héroïne plongée dans une pénombre rapidement étouffante. Tournant là dans son premier long-métrage, la jeune comédienne Florencia Colucci s’est heurtée à quelques contraintes techniques très particulières, le film ayant nécessité de longues répétitions proches de celles d’une pièce de théâtre avant un tournage marathon concentré en quatre jours seulement. « Il a fallu s’adapter à cette façon de filmer très particulière, dans la continuité », explique-t-elle. « Du coup, je faisais presque partie intégrante moi-même de l’équipe technique. Le moindre de mes mouvements était chorégraphié et je prenais en charge l’éclairage des plans puisque je portais une lanterne à la main. Selon les indications que me donnait le directeur de la photographie, je devais positionner cette lampe à telle ou telle hauteur, sans jamais perdre de vue le fil de l’émotion. C’était une double contrainte intéressante. Évidemment, il y avait aussi des câbles au sol et des obstacles un peu partout, que j’ai dû apprendre à éviter au fil de mes déplacements en temps réel. Chaque entrée et sortie de champ était calculée au millimètre. » (1)
La maison de l’horreur
La mécanique dramatique de The Silent House repose ainsi autant sur les circonvolutions de sa caméra que sur le jeu habité de sa jeune interprète. Certes, les effets de peur concoctés par le réalisateur Gustavo Hernadez s’écartent rarement des sentiers battus et les réactions de la jeune protagoniste manquent souvent de cohérence. L’exercice semble donc un peu vain… jusqu’à une révélation en fin de métrage qui remet en perspective l’intégralité du film et lui donne un nouveau souffle salvateur, quoique tardif. The Silent House a cependant rencontré son public, à tel point que les États-Unis se sont empressés d’en initier un remake, co-réalisé par Chris Kentis et Laura Lau.
(1) Propos recueillis par votre serviteur en février 2011
© Gilles Penso