Un jeune new-yorkais transporte partout avec lui un panier en osier qui camoufle son frère siamois, un monstre vorace et violent…
Dédié à Herschell Gordon Lewis, le père officiel du gore, Frère de Sang a fait découvrir au public la personnalité hors norme du réalisateur Frank Henelotter, concoctant là un récit où tous les excès sont permis. Duane Bradley (Kevin Van Hentenryck), un jeune homme candide de Glen Falls, New York, s’installe dans un hôtel miteux de la 42ème en ne quittant jamais son mystérieux panier d’osier. À l’intérieur se trouve Belial, son frère siamois monstrueux, mutant et télépathe. Chaque fois que Duane tente d’entamer une relation sentimentale, son frère jaloux intervient, et les choses s’achèvent généralement dans un bain de sang. Hargneux, Belial poursuit en fait une quête vengeresse dans laquelle il souhaiterait entraîner Duane : retrouver les médecins qui les ont séparés afin de les massacrer un à un…
Le charme de Frère de Sang réside d’abord dans la sobriété de sa mise en scène, induite par un budget anémique et des moyens ridicules. Les décors sont donc réels, les éclairages réduits à leur plus simple expression, et la caméra souvent portée à bout de bras. Ce minimalisme évoque quelque peu celui des premières œuvres de David Cronenberg, William Lustig ou Larry Cohen. Certaines séquences sont filmées dans les rues de New York sans la moindre autorisation, d’autres dans les appartements des amis du réalisateur, avec un sens de la débrouillardise inhérent à ce type de production. L’équipe du film fut d’ailleurs tellement réduite que la plupart des gens apparaissant au générique de fin n’existent pas, afin d’éviter de répéter inlassablement les mêmes noms !
Le charme des premiers films
Même si le jeu des comédiens sent souvent l’amateurisme, Frère de Sang bénéficie d’un certain naturalisme qui en est presque corollaire. Le flash-back central du récit, qui raconte la naissance des frères siamois, puis leur séparation et le début de leur vengeance, s’avère assez éprouvant, en particulier lorsque le spectateur voit pour la première fois Duane adolescent et Belial accroché à son flanc (dans la version française, allez savoir pourquoi, les deux frères ont été rebaptisés Frank et Martial). Le « monstre » lui-même est plutôt réussi, si l’on tient compte de la teneur du budget. Tour à tour marionnette à main, masque grimaçant, figurine immobile ou poupée animée image par image, il nimbe d’angoisse chacune de ses apparitions, à grands coups de cris stridents horriblement humains. Les meurtres s’avèrent volontiers saignants, en particulier celui de la vétérinaire, dont le visage se retrouve criblé de scalpels. Parfois, la suggestion (stimulée par le petit budget) s’avère tout aussi efficace. Témoin ces deux jambes qui tombent chacune d’un côté de l’écran, alors qu’une malheureuse victime vient de se faire couper en deux ! Le viol final, vu à travers les yeux du monstre, est lui aussi particulièrement gratiné. Quant au dénouement, il s’avère à la fois surprenant et inévitable, clôturant avec pathos cette étrange fable horrifique oscillant entre comédie, drame et épouvante, son indéniable sincérité assurant son unité et ses principales qualités. Frère de Sang sera suivi par deux séquelles tout aussi excessives, réalisées respectivement en 1990 et 1991.
© Gilles Penso
Partagez cet article