John Landis met en scène – et interprète – un monstre velu qui sème la panique pour assouvir son appétit insatiable de bananes
SCHLOCK
1973 – USA
Réalisé par John Landis
Avec John Landis, Saul Kahan, Eliza Garrett, Joseph Piantadosi, Eric Allison, Enrica Blankey, Charles Villiers, Forrest J. Ackerman, John CHambers
Bien avant Les Blues Brothers, Le Loup-garou de Londres et Un Fauteuil pour deux qui lui vaudront la célébrité, John Landis, à peine âgé de 21 ans, écrivait et réalisait cette parodie simiesque témoignant déjà de sa cinéphilie sans borne. Très motivé, le jeune touche à tout (cumulant à l’époque les postes de coursier, assistant réalisateur, cascadeur ou assistant de production) réunit un très modeste budget de 60 000 dollars en sollicitant sa famille et ses amis. Le schlock qui donne son nom au film est un chaînon manquant entre l’homme et le singe, que Landis lui-même interprète sous un costume signé Rick Baker, futur génie des effets spéciaux de maquillage. La bête surgit un beau jour de sa caverne et sème la panique dans son entourage, tellement avide de bananes qu’elle ne recule devant aucun meurtre pour s’en procurer. Le film commence d’ailleurs par un long travelling révélant des centaines de corps de jeunes gens gisant sur le sol d’un quartier pavillonnaire. La presse appelle cette hécatombe les « banana murders » (les victimes sont en effet couvertes de peaux de banane). Aussitôt, la télévision locale organise un jeu télévisé baptisé « body count contest ». Après avoir occis 799 personnes en trois semaines, le schlock tombe amoureux de Mindy, une belle adolescente aveugle qui le prend de prime abord pour un grand chien velu. Il l’emmène bientôt jusque sur les toits de la ville d’où l’armée, très motivée, s’efforce de le déloger.
John Landis connaissant ses classiques, Schlock se moque allègrement – mais non sans un respect touchant – de King Kong (dont une photo se glisse parmi les portraits robots établis par la police) et de Monsieur Joe (qui apparaît sur un cliché chez un spécialiste des singes), tout en rendant hommage à d’autres classiques du fantastique, notamment les trois premiers Frankenstein d’Universal (la petite fille au bord de l’eau, l’aveugle), 2001 l’odyssée de l’espace (le schlock qui brandit un os pour briser une vitre de magasin) ou encore Danger planétaire et Les Monstres de l’île en feu (qui jouent en double-programme dans un cinéma où se réfugie le monstre). Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, le jeune réalisateur passe également à la moulinette bon nombre de ses concitoyens (lorsque le schlock se faufile parmi les curieux, une femme outrée lui dit au sévèrement : « allez chez le coiffeur, trouvez-vous du travail ! »). Landis règle aussi leurs comptes aux programmes télévisés américains, qui seront la cible de son second long-métrage, le fameux Hamburger Film Sandwich (où un autre primate sèmera une belle panique). Toute l’action du film est d’ailleurs commentée par un animateur télé souriant et bien peigné.
Délires tous azimuts
Au détour du casting, le fan reconnaît deux figures incontournables du cinéma fantastique : Forrest J. Ackerman, éditeur de la revue « Famous Monsters », dans le rôle d’un spectateur avide de pop-corn, et John Chambers, créateur des maquillages de La Planète des singes, incarnant le capitaine de la Garde Nationale. Film aux inspirations multiples, Schlock accumule les gags nonsensiques, quelque part à mi-chemin entre le trio Zucker/Abrahams/Zucker (les dialogues absurdes débités avec un sérieux imperturbable), les Monty Pythons, Tex Avery et même un soupçon du Louis de Funès de Fantomas (le commissaire qui donne des instructions à ses hommes avec des coups de sifflet stridents). Quelques situations traînent certes en longueur (la scène un peu interminable dans le cinéma) et l’on sent que le rythme mériterait de temps en temps d’être resserré. Mais le film est frais, drôle, impertinent, et témoigne d’une folle liberté non encore entravée par le système des studios hollywoodiens. Du coup, on en vient à regretter que l’imaginaire Son of Schlock, annoncé « prochainement » à la fin du film, n’ait jamais été réalisé.
© Gilles Penso