Le premier d’une longue série de films d’horreur érotiques concoctés par un Jean Rollin particulièrement prolifique
LE VIOL DU VAMPIRE
1968 – FRANCE
Réalisé par Jean Rollin
Avec Jacqueline Sieger, Bernard Letrou, Solange Pardel, Nicole Romain, Catherine Deville
THEMA VAMPIRES I SAGA JEAN ROLLIN
Joyeusement sous-titré « Un mélodrame en deux parties », Le Viol du vampire porte en germe toutes les composantes de l’œuvre à venir du cinéaste Jean Rollin : fantastique onirique, érotisme morbide, décors naturels captés dans la campagne française, musique expérimentale, photographie relativement soignée, acteurs qui jouent comme Jean-Pierre Léaud, dialogues nébuleux… Qu’on essaie un instant d’imaginer le mixage de tous ces éléments disparates, et on aura une petite idée de l’incroyable fourre-tout que constitue Le Viol du vampire, mélange contre-nature de la Nouvelle Vague de Jean-Luc Godard et du serial à la Fantomas version Feuillade. Tourné dans un noir et blanc granuleux typique de la fin des années 60, le récit se concentre dans un premier temps sur trois jeunes parisiens qui débarquent dans un vieux château habité par quatre sœurs au comportement pour le moins étrange. L’un des visiteurs, psychanalyste, s’est fixé pour but de prouver à ses jeunes hôtesses qu’elles ne sont pas des vampires. Or celles-ci sont persuadées du contraire. L’une d’elles aurait même été violée par les villageois, il y a plusieurs siècles de ça, d’où le titre du film.
Le jeune médecin parvient presque à les convaincre de sa théorie… Sauf que les quatre sœurs sont bel et bien des vampires, sinon ça ne serait pas drôle, et ce film n’aurait rien à faire en ces pages. Dès lors, et sans crier gare, le film se laisse aller au délire le plus total, abaissant tous ses garde-fous sans la moindre retenue. Car après les morts violentes des quatre sœurs, l’intrigue se transpose soudain sur une plage normande, celle de Pourville-Les-Dieppe qui resservira de cadre à d’innombrables séquences tournées dans les futurs films de Jean Rollin. Là, nous entrons de plain-pied dans une seconde partie sous-titrée « Les Femmes Vampires » dans laquelle une reine des vampires costumée comme une Cléopâtre d’opérette dirige une armée de suceuses de sang encapuchonnées.
Une succession évasive de tableaux bizarroïdes
A partir de cette surréaliste apparition, le scénario ne s’embarrasse même plus du semblant de cohérence qui l’animait vaguement jusqu’alors, et nous suivons sans vraiment comprendre les aventures de ces femmes vampires qu’on croirait issues d’un Santo mexicain ou d’un Maciste italien, parallèlement aux recherches d’un groupe de scientifiques s’efforçant de trouver un antidote contre le vampirisme. Le Viol du vampire se regarde alors d’un œil très distant, comme une succession évasive de tableaux bizarroïdes aussi peu limpides qu’un texte de Marguerite Duras, jusqu’à un final totalement absurde où les vampires se retrouvent sur la scène d’un théâtre, devant une grande chauve-souris en carton-pâte, avant qu’une fusillade n’éclate et ne vire à la débandade générale. L’absence de lien apparent entre les deux moitiés du film s’explique en partie par leur nature initiale. Car à l’origine, Le Viol du vampire était un court-métrage d’une demi-heure, auquel Jean Rollin ajouta une heure supplémentaire pour pouvoir l’exploiter en salle. Visiblement content de ce premier essai, le cinéaste poursuivra dès lors inlassablement ses expérimentations hasardeuses dans le domaine du vampirisme féminin et dénudé.
© Gilles Penso
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