En réponse au King Kong de Dino de Laurentiis, la Corée du Sud nous offre ce nanar de compétition tourné en relief !
A.P.E. / SUPER KONG
1976 – COREE DU SUD / USA
Réalisé par Paul Leder
Avec Rod Arrants, Joanna de Varona, Alex Nicol, Nak-hun Lee, Jerry Hartke, Yoin Jang Woo, Paul Leder, Bob Kurez
THEMA SINGES
Le remake de King Kong version Dino de Laurentiis entraîna dans son sillage tout et n’importe quoi. D’où cette variante coréenne catastrophique, avec un acteur déguisé, un scénario absurde, des trucages risibles, et le tout en relief s’il vous plaît ! La scène d’introduction donne le ton : deux hommes à bord d’un cargo discutent gravement du gorille géant qu’ils transportent dans leur cale. Soudain, la caméra tremble et le monstre s’échappe. On découvre alors un homme dans une atroce panoplie velue, censé représenter ledit gorille, qui fait joujou dans un bassin avec une maquette de bateau, puis affronte un amalgame caoutchouteux aux vagues allures de requin à qui il écartèle la mâchoire, allusion désarmante de maladresse au combat avec l’allosaure du King Kong original. Le singe géant atteint ensuite le port, détruit de jolis docks miniatures et provoque un grand incendie. Semant la panique en Corée où il vient de débarquer, il lutte avec un serpent géant (en fait un petit reptile qui a l’air bien inoffensif) puis capture la comédienne Marilyn Chambers (Joanna de Varona).
L’armée intervient et Tom (Rod Arrants), le fiancé de Marilyn, la sauve in extremis des griffes du vilain primate pour la confier à une amie coréenne. Mais le gorille géant revient en ville après avoir détruit les hélicoptères de l’armée, se dirige dans le quartier où s’est réfugiée Marilyn, détruit les immeubles et l’enlève à nouveau avant de s’enfuir dans les montagnes. Là, les militaires décident d’en découdre une bonne fois pour toutes, et à l’issue d’un combat pas vraiment épique, au cours duquel le singe balance à tour de bras des tonnes de rochers et de gravats, le récit s’achemine vers la chute classique : celle du monstre ensanglanté, s’écroulant aux pieds des fiers humains en uniforme.
« Les limites de notre monde sont devenues trop étroites »
Visiblement peu conscient du grand potentiel comique involontaire de son film, Paul Leder (père de Mimi Leder, future réalisatrice des très sérieux Le Pacificateur et Deep Impact) croit bon d’y ajouter des touches d’humour gras, transformant son pseudo King Kong en voyeur (la scène où il regarde par la fenêtre d’une prostituée d’un air enjoué) ou en farceur vulgaire (l’autre scène où, après avoir abattu un hélicoptère, il lui adresse carrément un bras d’honneur !). Pour insister sur le gigantisme du gorille, on n’hésite pas à utiliser des vaches en plastique immobiles que l’acteur déguisé enjambe, ou une maquette de deltaplane suspendue par des fils bien visibles. L’héroïne ahurie se jette régulièrement en criant dans la main inerte du monstre, et le spectateur pleure de rire devant tant de niaiseries. Au moment de la mort du gorille, le dialogue final atteint des sommets philosophiques. « Oh, pourquoi Tom, pourquoi ? », s’exclame Marilyn en essayant de toutes ses forces d’imiter Jessica Lange. « Parce que les limites de notre monde sont devenues trop étroites », rétorque imperturbablement Tom qui, visiblement, en a vu d’autres. On note que si le titre original évacue volontairement toute référence à King Kong en se contentant d’un sobre Ape, les distributeurs français, eux, se sont montrés moins scrupuleux, sans toutefois oser exploiter le film en relief.
© Gilles Penso
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