LA SOIF DU VAMPIRE (1971)

Après The Vampire Lovers, le studio Hammer se lance dans une seconde adaptation du mythe de la femme-vampire Carmilla

LUST FOR A VAMPIRE

 

1971 – GB

 

Réalisé par Jimmy Sangster

 

Avec Yutte Stensgaardt, Ralph Bates, Barbara Jefford, Michael Johnson, Suzannah Leigh, Helen Christie, Pippa Steel, David Healy, Harvey Hall, Mike Raven

 

THEMA VAMPIRES

Entre 1970 et 1971, la Hammer aura adapté trois fois d’affilée la célèbre nouvelle « Carmilla » de Sheridan le Fanu. Épisode central de ce triptyque, La Soif du vampire se situe ainsi entre le Vampire Lovers de Roy Ward Baker et Les Sévices de Dracula de John Hough. Le lien narratif entre les trois épisodes est cependant ténu, à te point qu’il s’agit moins d’une trilogie à proprement parler que d’une série de variantes successives sur le même thème. À la tête de La Soif du vampire, Jimmy Sangster remplace à la dernière minute le réalisateur star du studio, Terence Fisher, ce qui ne permet pas au film de partir sous les meilleurs auspices. Car si Sangster est un scénariste au talent indiscutable (le succès de la Hammer doit beaucoup à ses écrits), il n’a pour l’instant qu’un film à son actif en tant que réalisateur, l’audacieux Les Horreurs de Frankenstein. D’ailleurs, lorsque l’immense comédien Peter Cushing se désiste pour partir au chevet de sa femme malade, Sangster le remplace par Ralph Bates, qui joua sous sa direction un docteur Frankenstein séduisant et impertinent, et qui accepte ici un rôle à total contre-courant, celui d’un professeur austère et rébarbatif. Dernier changement de taille : Ingrid Pitt, l’envoûtante Carmilla de The Vampire Lovers, refuse de reprendre le rôle, sous prétexte que le scénario lui déplaît. C’est donc la toute jeune comédienne danoise Yutte Stensgaardt qui prend la relève.

Nous sommes en 1830, dans un bourg autrichien propice à toutes les superstitions. Au cours d’un prologue volontairement excessif, une jeune et jolie villageoise est enlevée dans la forêt par les occupants d’un fiacre qui la transportent jusque dans un château où elle est sacrifiée. Tandis qu’un émule de Christopher Lee (Mike Raven) se lance dans une incantation fantaisiste qui mélange le latin et l’hébreu, le sang de la malheureuse s’écoule sur un squelette qui se recouvre de chair pour prendre l’apparence d’une jeune fille… De retour au village, nous faisons la connaissance de l’écrivain Richard Lestrange (Michael Johnson). Curieux lorsqu’on évoque devant lui la légende des Karnstein, des vampires qui reviendraient hanter les lieux tous les quarante ans, il décide d’aller visiter le château qui, selon les racontars, abrite ces infernales créatures. En se rendant sur place, Lestrange découvre un pensionnat de jeunes filles plein à craquer et se laisse émoustiller par toute cette chair fraîche qui s’ébat joyeusement sous le soleil. Alors que notre homme ne sait visiblement plus où donner de la tête, son cœur chavire en voyant débarquer une nouvelle venue qui répond au doux nom de Mircalla. Les amateurs d’anagrammes ne mettront pas longtemps à comprendre quelle est sa véritable identité. Autant dire que lorsque la blonde demoiselle entre dans le pensionnat, le loup pénètre dans la bergerie…

Vampirisme, romantisme et érotisme

Même s’il excelle sous la défroque du strict professeur Giles Barton, Ralph Bates sera très déçu par le film, qu’il qualifiera plus tard d’un des pires auxquels il participa. Jimmy Sangster lui-même s’avouera perplexe face à certains choix artistiques pris au moment du montage, visiblement sans son consentement, en particulier l’ajout d’une chanson suave, « Strange Love », susurrée par la jeune chanteuse britannique Tracy. De fait, La Soif du vampire s’intéresse plus aux chassés croisés amoureux de ses personnages qu’au potentiel horrifique du scénario. Les personnages n’en finissent plus de déclarer leur flamme les uns aux autres comme dans un roman photo, avec force regards appuyés et violons langoureux. Paradoxalement, ces romances à l’eau de rose s’assortissent d’une charge érotique décomplexée dont le film semble faire un mot d’ordre. Les poitrines dénudées et les scènes saphiques sont donc généreusement offertes à un public friand du genre, qui a radicalement repositionné ses exigences depuis la libération des mœurs amorcée à la fin des années 60. Les strictes robes aux cols serrés des productions Hammer de la décennie précédente sont bien loin. Désormais, le décolleté profond est de rigueur, le nu intégral est autorisé et la pudeur s’est évaporée. Pour anecdotique qu’elle puisse sembler, cette relecture du mythe de Carmilla reste intéressante pour l’ambiguïté des sentiments que semble éprouver la jolie créature aux charmes desquels personne ne résiste. Tour à tour machiavélique (lorsqu’elle subit l’influence du comte Karnstein) ou sincère (lorsqu’elle semble lutter contre des états d’âme désespérément humains), Mircalla peine à se positionner moralement et suscite donc des sentiments complexes de la part des spectateurs. La relative neutralité du jeu d’actrice de Yutte Stensgaardt participe beaucoup à cette ambivalence. Ce sera l’un des derniers rôles de cette « étoile filante », qui disparaîtra de la circulation après sa prestation la même année dans Burke & Hare de Vernon Sewell.

 

 

© Gilles Penso

 

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