GODZILLA RESURGENCE (2016)

Oubliez tout ce que vous pensiez connaître : ce Godzilla redéfinit de fond en comble le mythe le plus célèbre du cinéma japonais

SHIN GOJIRA

2016 – JAPON

Réalisé par Hideaki Anno et Shinji Higuchi 

Avec Hiroki Hasagewa, Yutaka Takenouchi, Satomi Ishihara, Ren Osugi, Akira Emoto, Kengo Kôra, Mikako Ichikawa

THEMA DINOSAURES I SAGA GODZILLA

Comme si elle était elle-même en mutation perpétuelle, la saga Godzilla n’en finit plus de se réinventer, comme en témoigne Godzilla Résurgence qui ignore effrontément tous les films précédents, y compris l’œuvre originale d’Inoshiro Honda. Le scénario s’attarde sur les autorités politiques et militaires, montrant leur incapacité à gérer la situation de crise que constitue le surgissement d’un monstre inconnu en plein Tokyo. Les palabres n’en finissent plus, chacun se contredit, les luttes de pouvoir et la quête désespérée d’une bonne image prennent le pas sur le bien-être des citoyens. La mise en scène elle-même cherche une certaine singularité, alternant les plans larges au grand-angle qu’on croirait issus d’un film de Stanley Kubrick et les gros plans insistant sur les regards perplexes, incrédules ou impuissants. Le montage est parfois très nerveux, les angles de vue souvent insolites, et la réalisation emprunte parfois ses effets au « found footage » lorsque les événements sont vus à travers les téléphones portables des passants. 

La créature qui surgit initialement ne ressemble que de loin au Godzilla que nous connaissons. C’est un être pataud, aux membres antérieurs atrophiés, qui rampe pathétiquement entre les immeubles en arborant un faciès amphibien affublé de deux énormes yeux immobiles. La bête étant en métamorphose permanente, elle ressurgit plus tard sous forme d’un dinosaure bipède à la mâchoire gigantesque garnie d’une multitude de dents acérées, aux yeux noirs et enfoncés, aux pattes avant rigides, aux membres postérieurs disproportionnés et à la queue immensément longue. Alors que les protagonistes humains nagent en pleine confusion, le scénario révèle que cette créature marine préhistorique a été réveillée et s’est mise à muter à cause d’un stock de produits radioactifs abandonnés au fond des océans.

« C'est vraiment l'incarnation d'un dieu ! »

Chacun désirant s’approprier sa découverte, les Américains et les Japonais lui donnent chacun un nom : Godzilla pour les uns, Gojira pour les autres. Cette rivalité entre les deux nations s’accroit lorsque les bombardements de l’US Air Force, au lieu d’affaiblir Godzilla, le dotent de son redoutable rayon radioactif, lequel se déploie de manière incroyablement destructrice, la bouche du monstre s’ouvrant démesurément pour vomir des torrents d’énergie incandescente. Le film n’hésite ainsi pas à transfigurer la morphologie de cette figure iconique pour mieux l’élever au rang de divinité, ce que confirment une bande originale soudain muée en opéra tragique et la réplique d’un officiel abasourdi déclarant : « c’est vraiment l’incarnation d’un Dieu ! » Godzilla Résurgence se pare du coup d’images apocalyptiques, comme ces dizaines de trains lancés à vive allure sur le monstre qui se crashent en se déployant comme les tentacules désordonnés de quelque céphalopode mécanique. Le film prend une tournure tragique lorsque le Japon, désemparé, accepte que les États-Unis bombardent Tokyo avec une bombe nucléaire. Ainsi Godzilla Résurgence ravive-t-il le fantôme du traumatisme d’Hiroshima, celui qui avait justement donné naissance au tout premier film de la saga, et nous offre-t-il la vision inédite d’un monstre qu’on croyait pourtant connaître sur le bout des doigts.
 
© Gilles Penso

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