Dans un futur post-apocalyptique situé en 1997 (!), un adolescent tente de survivre en échappant aux sbires du redoutable Zeus
Signataire d’une demi-douzaine de courts-métrages d’horreur sous forte influence du cinéma américain des années 80, le trio canadien François Simard, Anouk Whissell et Yoann-Karl Whissell se lance en 2011 dans le tournage d’un film court de science-fiction baptisé T is for Turbo. Situé dans un monde futuriste post-apocalyptique, ce récit mouvementé de six minutes met en scène un garçon fan de comic books qui trouve le costume high-tech de son héros favori et part lutter contre le tyran régnant sur la région. Les trois réalisateurs tentent de convaincre le producteur Ant Timpson d’intégrer T is for Turbo dans le film d’anthologie The ABCs of Death, mais c’est finalement T is for Toilet de Lee Hardcastle qui est sélectionné pour illustrer la lettre T. Il n’en demeure pas moins que Timpson est très impressionné par T is for Turbo et propose à ses auteurs de produire un long-métrage qui en soit l’extension. Simard, Whissell & Whissell se retrouvent ainsi à la tête de leur premier projet de 90 minutes. Le budget est loin d’être colossal mais leur inventivité est en berne et le vétéran Michael Ironside (Total Recall, Starship Troopers) accepte de jouer le rôle du grand méchant du film, le redoutable Zeus. Turbo Kid est lancé.
Conformément à son modèle de six minutes, Turbo Kid se déroule dans un futur post-apocalyptique qu’une voix off situe en 1997. Cette aberration chronologique s’appréhende comme un hommage à tous les sous-Mad Max 2 conçus dans les années 80 qui envisageaient leur monde futuriste dix ou quinze ans plus tard. La date choisie n’est sans doute pas un hasard, puisque c’est celle du légendaire Escape from New York de John Carpenter. De fait, Turbo Kid accumule dès son entame les hommages répétés à la culture populaire et aux objets emblématiques des eighties, du rubik’s cube au walkman en passant par les cassettes audio, les VHS, le viewmaster et le tube « Thunder in Your Heart » de John Farnham qui accompagne le générique de début. La musique synthétique composée par le duo Le Matos (Jean-Philippe Bernier et Jean-Nicolas Leupi) renforce la référence. Passionné par les bandes dessinées consacrées à un super-héros baptisé Turbo Rider (une sorte de mixage entre X-Or et les Power Rangers), un adolescent solitaire (Munro Chambers) survit à l’hiver nucléaire en échangeant contre un peu d’eau les objets qu’il trouve dans les ruines des Terres Désolées. A peine a-t-il le temps de rencontrer et de s’attacher à une jeune fille exubérante surgie de nulle part, Apple (Laurence Lebœuf), que celle-ci est kidnappée par les sbires du maléfique Zeus (Michael Ironside) qui règne en tyran sur cette partie du monde. Le garçon affronte alors ses peurs et fait équipe avec le cowboy dur à cuire Frederick (Aaron Jeffery) pour tenter de devenir un héros…
Retour vers le futur
La tonalité de Turbo Kid n’est pas simple à cerner. Si le héros ado, sa passion pour les comics et le costume de super-héros semblent conçus pour un tout jeune public, les nombreux débordements sanglants et ultra-gore contredisent cette impression première. Tout commence par quelques visions macabres héritées des nombreux « post-apo » italiens (têtes coupées plantées sur des pics, cadavres desséchés dans les voitures rouillées) mais les choses dégénèrent rapidement pour muer chaque combat en foire à la tripaille : mains tranchées, têtes hachées, corps qui explosent, intestin extirpé d’un abdomen, belligérants découpés en morceaux… Tous ces excès sont bien sûr à prendre au second degré, dans la droite lignée de ceux d’un Braindead ou d’un Machine Girl, mais tout de même ! A ce grand écart inattendu s’ajoutent de nombreux clins d’œil directement destinés à la génération de ceux qui furent teenagers dans les années 80, les looks de la faune de Turbo Kid semblant parfois échappés de Mad Max 2, Indiana Jones et le temple maudit, Les Aventures de Jack Burton, Les Gladiateurs du futur ou Les Guerriers du Bronx pour n’en citer qu’une poignée. Ultra-généreux jusque dans ses maladresses, ce premier long-métrage a l’habilité de tirer parti de son manque de moyens pour en faire une force, muant un terrain vague en univers futuriste ravagé et remplaçant les habituelles poursuites automobiles par des courses à vélo, ce qui poussera le magazine « Wired » à définir le film comme un « Mad Max en BMX ».
© Gilles Penso
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