Le réalisateur de L’Empire des sens raconte l’histoire d’amour contre-nature qui lie une femme et un chimpanzé
MAX MON AMOUR
1986 – FRANCE / USA
Réalisé par Nagisa Oshima
Avec Charlotte Rampling, Anthony Higgins, Victoria Abril, Anne-Marie Besse, Fabrice Luchini, Nicole Calfan, Pierre Étaix, Bernard Haller, Bernard-Pierre Donnadieu
THEMA SINGES
Membre actif de la Nouvelle Vague japonaise dès la fin des années 50, le réalisateur de L’Empire des sens, de L’Empire de la passion et de Furyo a toujours nimbé son œuvre d’un parfum de scandale sans jamais chercher la facilité. Au milieu des années 80, alors qu’il ne parle pas un mot de français et s’exprime à peine en anglais, Nagisa Oshima s’installe à Paris avec un casting franco-britannique et tourne une nouvelle œuvre sulfureuse qu’il co-écrit avec Jean-Claude Carrière, d’après une idée originale de ce dernier. Ce sera Max mon amour, dont le concept laisse rêveur. Peter Jones (Anthony Higgins), un diplomate anglais en poste à Paris, soupçonne sa femme Margaret (Charlotte Rampling) d’entretenir une liaison extra conjugale. Il engage donc un détective privé (Pierre Étaix) et apprend qu’elle loue un appartement. Après avoir réussi à s’en procurer la clé, Peter découvre que l’amant de sa femme est un chimpanzé dénommé Max. Cette situation pour le moins incongrue étant posée en moins de dix minutes, froidement, cliniquement, sans détour ni dramatisation excessive, le reste du métrage va s’efforcer d’en raconter les conséquences.
Ce qui choque presque plus que l’acte tabou auquel se livre l’épouse, c’est finalement la froide tranquillité avec laquelle son mari accepte la situation. Certes, notre homme exprime la surprise, l’incompréhension, la colère même, mais tous ces sentiments restent engoncés dans une sorte d’élégance feutrée et polie, comme s’il ne fallait pas déranger l’ordre établi, comme si l’anormalité devait devenir la norme sans faire de vague. Pourquoi Peter agit-il avec tant de mesure ? Par indifférence ? Par amour ? Par défi ? Ne finit-on pas par mieux comprendre l’attitude de Margaret (cherchant à tromper l’ennui d’une vie trop guindée en éveillant la bestialité qui sommeille en elle) que celle de Peter, dont le manque d’aspérité finit par nous agacer ? On pense à Possession, qui racontait aussi l’infidélité d’une épouse partie exulter auprès d’une bête, à une relecture simiesque de Jules et Jim, à une variante façon Marivaux de La Belle et la Bête. Mais Oshima se garde bien d’exprimer trop clairement ses intentions et laisse librement le spectateur se positionner. Il conserve avec lui la clé de son film, cette clé qui s’anime de manière très stylisée dans le générique conçu par Saul Bass.
Chimpanzé dans la brume
Concepteur de costumes spéciaux et de créatures pour les films de l’équipe des Monty Pythons (Bandits bandits, Le Sens de la vie, Brazil), Ray Scott prend conseil auprès du spécialiste des singes Rick Baker (King Kong, Greystoke, Gorilles dans la brume et tant d’autres) et élabore un chimpanzé factice criant de réalisme, dans la peau duquel se glisse la mime et marionnettiste Alisa Berk. La crédibilité du primate était un élément majeur de la réussite du film, et de ce point de vue le pari est réussi. Mais est-ce suffisant ? La mise en scène dépouillée d’Oshima et la distanciation qu’il prend volontairement avec les événements ne sont-elles pas un aveu d’impuissance, comme si le cinéaste se déclarait incapable d’exploiter pleinement un postulat aussi fort ? Pour preuve cette séquence vaudevillesque du repas. Tous les ingrédients sont là : un couple coincé par les non-dits, des invités qui ignorent tout de l’étrange situation (parmi lesquels on reconnaît Fabrice Luchini, Nicole Calfan, Bernard Haller et Bernard-Pierre Donnadieu), une servante très impressionnable (Victoria Abril) et ce singe qui menace de pointer le bout de son nez d’une minute à l’autre. Mais toutes ces promesses n’aboutissent à rien d’autre qu’un petit malaise courtois. Pas assez radical pour choquer, pas assez profond pour émouvoir, pas assez drôle pour dégourdir les zygomatiques, Max mon amour se regarde du coup avec perplexité et incrédulité. « Ce n’était qu’un rêve, une sorte d’utopie », déclare Peter lorsque Max prend la fuite. Voilà qui résume sans doute très bien le projet du film.
© Gilles Penso
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