Pour son premier long-métrage, Christopher Smith se lance dans un récit d’épouvante extrêmement efficace qui joue la carte de l’originalité et confirme, après 28 Jours plus tard et Dog Soldiers, un indéniable renouveau du cinéma fantastique britannique au début des années 2000. Kate (Franka Potente) est une londonienne branchée d’origine allemande qui a prévu de retrouver George Clooney dans une soirée VIP. Pressée, elle emprunte le métro à la station « Charing Cross ». Mais notre blonde pétillante s’assoupit sur le quai, rate le dernier train et se retrouve enfermée dans les couloirs souterrains. Guy (Jeremy Sheffield), un de ses collègues de travail, l’a suivie et tente carrément de la violer. Alors qu’il est sur le point de passer à l’acte, l’agresseur est stoppé net par quelqu’un – ou quelque chose – qui le happe et le déchiquette. Paniquée, Kate prend la fuite au pas de course (une habitude que la comédienne a solidement acquise avec Cours, Lola, cours et La Mémoire dans la peau) et trouve refuge auprès d’un jeune couple de SDF qui vivent dans le métro. Bientôt, tous sont pris en chasse par le monstre qui sévit dans les lieux : Craig, un homme sauvage et difforme qui capture ses victimes humaines dans des cages à moitié immergées, au milieu du réseau souterrain des égouts, puis les charcute au cours de sanglantes parodies d’opérations chirurgicales.
Mélange improbable entre After Hours, Subway et La Colline a des yeux, Creep est un film à l’atmosphère étouffante qui se distingue d’emblée par le travail minutieux effectué sur la bande son, la photographie et les décors (lesquels mixent une vraie station de métro anglaise désaffectée depuis 1917 et une ancienne sucrerie de Cologne entièrement réaménagée). Évacuant le recours aux effets numériques, comme Neil Marshall sur Dog Soldiers, Christopher Smith sollicite des maquillages spéciaux extrêmement efficaces pour donner vie à Craig, un freak hideux qui se déplace comme un singe et pousse des cris de chauve-souris. Dans le rôle de ce monstre à la fois terrifiant et pathétique, le comédien Sean Harris, qu’on allait retrouver la même année dans Isolation de Billy O’Brien, livre une prestation très étonnante.
Le sous-sol de la peur
Si le réalisateur n’est pas un adepte du gore qui éclabousse, il n’hésite pas à concocter quelques scènes très gratinées, comme la trépanation d’un des protagonistes ou une opération sans anesthésie qui s’avère quasi-insoutenable. L’efficacité du film repose aussi beaucoup sur la prestation de Franka Potente, dont le changement progressif de look – resplendissante dans sa robe et ses chaussures de marque en début de métrage, elle finit sous forme d’une misérable loque dépenaillée – permet à Creep de se clore sur une chute cruellement ironique. Voilà donc un exercice horrifique très honorable, qui a le mérite d’éviter les sentiers trop souvent battus. Il faut savoir que le poster original du film, qui montre une main ensanglantée s’appuyant sur la vitre d’une rame dans un tunnel, fut interdit d’affichage dans les couloirs du métro londonien lors de la sortie du film, une censure qui fut finalement levée au moment de son édition DVD. Christopher Smith, pour sa part, allait confirmer son talent dès l’année suivante avec l’excellent Severance.
© Gilles Penso
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