Un remake violent, brutal et sanglant du célèbre « revenge movie » qui défraya la chronique à la fin des années 70
I SPIT ON YOUR GRAVE
2010 – USA
Réalisé par Steven R. Monroe
Avec Sarah Butler, Chad Lindberg, Daniel Franzese, Rodney Eastman, Jeff Branson, Andrew Howard, Tracey Walter, Mollie Milligan
THEMA TUEURS I SAGA I SPIT ON YOUR GRAVE
Steven R. Monroe est un réalisateur touche à tout qui s’est spécialisé depuis la fin des années 90 dans les productions à petit budget, des court-métrages aux documentaires en passant par les thrillers d’action, les films catastrophe ou les « creature features » (Sasquatch Mountain, Ogre, Wyvern). Lorsqu’il apprend que la compagnie Cinetel a acquis les droits d’un remake de I Spit on your Grave (Œil pour œil), il saute sur l’occasion. Notre homme voit là l’occasion de passer à la vitesse supérieure mais aussi de rendre hommage à ce classique du « rape and revenge » qui le marqua tant dans son adolescence. Sa conviction et son obstination convainquent les producteurs, parmi lesquels se trouve Meir Zarchi, réalisateur du film original. En s’attaquant à une nouvelle version de I Spit on your Grave, Monroe sait cependant qu’il s’apprête à arpenter un terrain miné. Le double sujet du viol et de la vengeance qui alimenta tant de films d’exploitation des années 70 est toujours aussi délicat à traiter – voire plus – en ces années 2010 naissantes. D’autre part, il sait que le tournage sera éprouvant physiquement et nerveusement pour son casting, notamment pour l’actrice principale qui acceptera d’entrer dans la peau de la victime muée en bourreau. En ce sens, Sarah Butler est une trouvaille inespérée. Quasiment inconnue au moment de son audition, elle convainc immédiatement l’équipe de production et s’avère posséder l’endurance nécessaire pour affronter un tournage qui se vivra comme un véritable parcours du combattant.
Reprenant la trame de son modèle de 1978, I Spit on your Grave raconte l’arrivée de l’écrivain Jennifer Hills dans une petite ville perdue au fin fond de la campagne américaine (filmée en Louisiane). Elle souhaite s’isoler pour s’atteler tranquillement à l’écriture de son nouveau roman. Mais dès son arrivée dans une station-service en quête d’essence et d’indications pour trouver son chemin, la tension est palpable. Jennifer est jolie, fraîche, candide, et la testostérone flotte autour d’elle comme une menace invisible mais terriblement tangible. Les hommes la regardent, la détaillent, la jaugent… On sent bien que l’agneau s’est égaré dans le territoire des loups. Le film alterne dès lors l’installation de la nouvelle venue dans sa maison de location et l’errance des quatre garçons du coin, frustrés, blessés dans leur orgueil viril, ne tenant plus en place, ressassant un refrain trop connu : « toutes les mêmes ». Et l’inévitable survient : l’invasion de la maison de la belle par les quatre monstres en chaleur. Tellement peu à l’aise avec leur sexualité, les agresseurs utilisent tous les substituts qui leur tombent sous la main : le canon d’une arme, le goulot d’une bouteille, une batte de baseball. La fatidique scène du viol est intense, pénible et interminable. On pourrait accuser le réalisateur de complaisance, mais tout spectateur normalement constitué n’a qu’une envie : en finir au plus tôt avec cette séquence éprouvante. Ramenée à l’état de bête meurtrie, Jennifer se jette à l’eau avant qu’ils aient pu l’abattre et disparaît dans les flots. Une partie d’elle meurt avec ce plongeon, et une nouvelle facette de sa personnalité s’apprête à émerger.
Un catalogue de pièges mortels
Dans sa seconde partie, le métrage oublie petit à petit tout réalisme pour aborder un traitement de l’horreur à la limite du surnaturel. Car dès qu’elle entame sa quête vengeresse, Jennifer devient une sorte de croquemitaine à la force surhumaine, à la rapidité digne d’un fauve et à l’agilité exceptionnelle. Capable de nouer des cordes avec la dextérité d’un marin, soudain spécialiste du bricolage, apte à concocter des pièges élaborés dignes de la saga Saw, elle perd du coup une grande partie de sa crédibilité. On sent bien que Steve Monroe cherche à surenchérir par rapport au film original en proposant des visions gore à la hauteur de ce que propose le cinéma horrifique de l’époque. Mais I Spit on your Grave se mue du coup en simple catalogue de séquences de torture sophistiquées. L’impact de ces scènes est certes très fort, et les effets spéciaux de maquillage particulièrement impressionnants, mais le mécanisme un peu vain de ce dernier acte amenuise l’implication des spectateurs et fait perdre peu à peu au film toute sa cohérence. Reste une mise en forme impeccable et la prestation étourdissante de Sarah Butler.
© Gilles Penso
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