La fusion des univers de Quentin Tarantino et Robert Rodriguez a accouché de cette œuvre culte qui recycle l'imagerie d'un grand-nombre de films d'horreur populaires
FROM DUSK TILL DAWN
1995 – USA
Réalisé par Robert Rodriguez
Avec George Clooney, Quentin Tarantino, Harvey Keitel, Juliette Lewis, Salma Hayek, Ernest Liu, Tom Savini, Fred Williamson
THEMA VAMPIRES
Après les triomphes respectifs de Pulp Fiction et Desperado, il était réjouissant d’apprendre la collaboration de Quentin Tarantino (au scénario) et Robert Rodriguez (derrière la caméra) à l’occasion d’un polar fantastique déjanté. Première bonne surprise : le casting, représentatif des influences et des goûts des deux hommes. On trouve ainsi en tête d’affiche George Clooney, alors couronné de succès via la série Urgences, et Tarantino lui-même, dans le rôle de deux gangsters antithétiques, les frères Seth et Richard Gecko. L’un est bourré de sang-froid et de charisme, l’autre déborde de tics nerveux et de déséquilibres psychiques.Recherchés par la police pour vol à main armée, ils prennent la fuite à travers le Texas et croisent sur leur route une famille qu’ils prennent en otage : le pasteur Jacob Fuller (Harvey Keitel), sa fille adolescente Kate (Juliette Lewis) et son fils adoptif Scott (Ernest Liu). La première moitié du film se pare de cette distribution savoureuse et d’idées visuelles amusantes, comme cette vue en coupe du coffre d’une voiture où séjourne un otage ficelé. Mais le récit ne décolle guère et ne parvient pas vraiment à éviter les lieux communs du film de gangsters mâtiné de road movie. On attend donc avec impatience que le récit bascule dans le fantastique. Mais quand il le fait au beau milieu du métrage, ô paradoxe, on en vient finalement à regretter la partie policière !
Certes, l’idée d’un bar à motards mexicain (répondant au doux nom de Titty Twister) abritant une meute de vampires d’origine aztèque dirigée par l’envoûtante Santanico Pandemonium (Salma Hayek) avait de quoi séduire. Mais passée la surprise, le jeu de massacre tourne vite en rond et s’épuise rapidement, malgré les étonnants maquillages spéciaux de KNB et quelques idées amusantes, comme les projectiles à base d’eau bénite pour se débarrasser des suceurs de sang. Il faut dire que l’originalité de cette seconde partie n’est qu’apparente, puisqu’elle emprunte la majeure partie de ses idées aux délires gores de Braindead et Zombie sans parvenir à les surpasser. « Le carnage final d’Une Nuit en Enfer est une référence à beaucoup de films d’horreur », nous avoue Robert Rodriguez. « C’est dû à l’auteur de l’histoire originale, qui est un créateur d’effets spéciaux et qui avait notamment travaillé sur Evil Dead 2. » (1)
Braindead et Zombie sont déjà passés par là
En effet, le script de Tarantino a été développé à partir d’une idée de Robert Kurtzman, pilier de l’équipe de KNB qui envisagea au début des années 90 de réaliser le film lui-même. « Par contre », reprend Rodriguez, « c’est moi qui ai eu l’idée de donner un rôle à Tom Savini, le chef maquilleur de Zombie. » (2) Celui-ci incarne Sex Machine, un chasseur de vampires hystérique gonflé à la testostérone, et il n’est pas impossible que le « Dawn » du titre original nous renvoie à celui de Dawn of the Dead. Pas vraiment capable de renouveler le film d’horreur malgré une volonté manifeste de dépasser les conventions du genre, Une Nuit en Enfer perd donc en cours de route une bonne partie de son intérêt. Il connaîtra pourtant un honorable succès, et poussera Rodriguez à en produire une séquelle et une préquelle, directement destinées au marché vidéo, ainsi qu’une série télévisée.
(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1999.
© Gilles Penso
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