Christian Bale entre dans la peau d'un golden boy couronné de succès qui trompe son ennui en massacrant son entourage à tour de bras
AMERICAN PSYCHO
2000 – USA / CANADA
Réalisé par Mary Harron
Avec Christian Bale, Willem Dafoe, Justin Theroux, Josh Lucas, Bill Sage, Chloe Sevigny, Reese Witherspoon, Samantha Mathis
THEMA TUEURS
L’idée de mettre en vedette un golden boy new-yorkais tellement comblé et blasé qu’il n’y a guère plus que le meurtre pour tromper son ennui et susciter chez lui un semblant d’émotion était brillante. Les lecteurs ne l’ont pas démenti en faisant un véritable triomphe au roman de Bret Easton Ellis, satire très controversée et franchement gore de l’Amérique des années 80, celle de Wall Street, des yuppies et de Ronald Reagan. Malheureusement, l’adaptation qu’en a signée Mary Harron, auteur de quelques épisodes choc des séries Homicide et Oz, n’en est qu’un pâle reflet, insipide et ennuyeux à mourir. Il y avait pourtant là toutes les bonnes bases d’un film mémorable et saillant, notamment le choix de Christian Bale dans le rôle-titre. Celui-ci incarne avec une dureté, un cynisme et une inhumanité presque dérangeants Patrick Bateman, respectable employé chez la compagnie imaginaire Pierce & Pierce le jour (comme Tom Hanks dans Le Bûcher des Vanités), assassin sanguinaire la nuit. Parmi la vingtaine de personnes qu’il extermine, on compte des prostituées, des sans-abri, des amis et des collègues de travail. Son frigo et son appartement regorgent d’ailleurs de morceaux de cadavres ensanglantés. Et parfois, lorsqu’il est un peu éméché, il n’hésite pas à avouer aux barmaids qu’il adore disséquer les filles tant son esprit est dérangé. Evidemment, personne ne prête la moindre attention à de telles déclarations, volontiers mises sur le compte de l’alcool ou de la provocation gratuite.
D’ailleurs, tous ces meurtres sont-ils bien réels, ou ne fleurissent-ils pas quotidiennement dans l’imagination malade de Bateman ? Et dire que Christian Bale interprétait le gentil petit garçon dans l’Empire du Soleil de Steven Spielberg… Que de chemin parcouru depuis ! Hélas, cet étonnant comédien demeure l’unique intérêt d’American Psycho. Mal rythmé, mal structuré, le film de Mary Harron joue maladroitement la carte de la confusion entre réalité et fantasme, sans trop savoir sur quel pied danser. Du coup, les massacres à la tronçonneuse, à la hache, au couteau ou au pistolet qui scandent le récit laissent froid, tant ils sont distanciés par une narration hésitante. Au moment où l’inspecteur Donald Kimball (un Willem Dafoe désespérément sous-exploité) entre en scène, on espère quelques rebondissements scénaristiques. Mais il n’en est rien, et l’histoire continue de piétiner tranquillement.
La guerre des cartes de visite
Même la restitution de l’ambiance des années 80, élément indispensable du récit imaginé par Bret Easton Ellis, est ratée. Car si l’on excepte quelques extraits musicaux empruntés à Huey Lewis, Genesis et Robert Palmer, le film donne plutôt l’impression de se dérouler dans les années 90 ou 2000. D’autant que les obsessions décrites ici – le culte de l’apparence, la recherche maladive du corps parfait, l’impitoyable lutte hiérarchique au sein des grandes entreprises et le matérialisme sous sa forme la plus excessive – sont autant d’actualité aujourd’hui que vingt ans plus tôt. Dommage que le film entier ne soit pas à l’image de cette scène extraordinaire au cours de laquelle tous les yuppies comparent avec jalousie la qualité respective de leurs cartes de visite, la bave aux lèvres et le regard fou…
© Gilles Penso
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