L'adaptation somptueuse par Wolfgang Petersen d'un plaidoyer pour la lecture écrit par le romancier Michael Ende
De l’épais et magnifique roman écrit en 1979 par Michael Ende, Wolfgang Petersen et son co-scénariste Herman Weigel n’ont retenu que la première moitié, et de cette moitié le scénario n’a conservé que la trame, abandonnant au passage de nombreux détails pourtant passionnants reposant sur la mise en abîme, la vie propre qui habite les livres, les plaisirs complexes de la lecture et l’imagination en général. « Le livre était trop gros pour que l’histoire tienne sur un seul film », nous explique le réalisateur Wolfgang Petersen. « Voilà pourquoi nous n’en avons adapté qu’une partie, et que nous avons dû évacuer un certain nombre de personnages, comme Ygramul, l’araignée géante qui change sans cesse de forme. » (1)
Le résultat est un conte de fées adapté sur mesure aux enfants mais qui, jusqu’au dénouement, baigne tout de même dans une ambiance un peu oppressante et mélancolique. Le personnage central est Bastien (excellent Barret Oliver), un jeune garçon qui, depuis la mort de sa mère, a trouvé refuge dans la lecture. Un jour, poursuivi par des garnements de son école, il se cache dans la librairie de monsieur Koreander où il découvre un livre mystérieux, « L’Histoire sans Fin ». Sa curiosité étant piquée au vif, il dérobe le livre, se réfugie dans le grenier de son école et se plonge dans la lecture de « L’Histoire sans Fin ». Le livre raconte l’histoire de Fantasia, un Pays Fantastique menacé par un terrible « Néant » qui engloutit tout sur son passage. La Petite Impératrice elle-même, qui règne sur Fantasia dans sa tour d’ivoire, est tombée gravement malade. En désespoir de cause, on fait appel au jeune guerrier Atreyu (Noah Hathaway) pour contrer les effets du « Néant ». Falkor, un dragon bienveillant à la voix chaleureuse et à la tête de chien, sera son allié le plus précieux. Bientôt, au fil de sa lecture, Bastien a l’étrange impression qu’il peut influer sur le cours du récit…
Quand le lecteur influe sur le récit…
Évidemment, la lecture sur plusieurs niveaux du livre original (l’histoire du Pays Fantastique, l’histoire du lecteur Bastien, et l’histoire du lecteur des aventures de Bastien, c’est-à-dire nous-mêmes) perd ses propriétés vertigineuses du fait même du passage sur support cinématographique. Mais le charme initial subsiste. « L’Histoire sans Fin n’est pas le genre de film qui m’attirait à priori », nous avoue Petersen. « Je suis plus porté sur les thrillers comme Le Bateau ou Dans la Ligne de Mire. Mais j’ai fait ce film en pensant à mes enfants, et j’y ai pris beaucoup de plaisir. » (2) Techniquement, le film est magistral. Les décors, les créatures et les effets spéciaux rivalisent de beauté et d’ingéniosité. Les jeunes comédiens eux-mêmes sont très convaincants. Dommage que cette version cinématographique ne cherche pas à transcender outre-mesure la simple fable enfantine et s’achève sur une happy end aussi invraisemblable que puérile. Dommage également que la bande originale du film ait été confiée au pape du disco des années 80 Giorgio Moroder, composant ici une musiquette synthétique guère adaptée à la grande épopée que narre un film par ailleurs très enthousiasmant.
(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en avril 1995.
© Gilles Penso
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