Ce troisième épisode auto-parodique marque une rupture de ton radicale avec les deux précédents
THE HUMAN CENTIPEDE 3 (FINAL SEQUENCE)
2016 – HOLLANDE
Réalisé par Tom Six
Avec Dieter Laser, Laurence R. Harvey, Eric Roberts, Clayton Rohner, Hamzah Saman, Peter Blankenstein, Tommy Tiny Lister Jr, Robert LaSardo, Carlos Ramirez
THEMA MÉDECINE EN FOLIE I SAGA THE HUMAN CENTIPEDE
Provocateur en diable, Tom Six avait repoussé les limites de ce que pouvait décemment montrer un écran de cinéma avec The Human Centipede 2. Aussi, lorsqu’il déclara que le troisième épisode ferait ressembler le second à un film Disney, on s’attendait légitimement au pire. Mais ce n’était qu’un effet d’annonce. Avec ses allures de production hollywoodienne, son format cinémascope, ses images filtrées façon Michael Bay, sa musique ample, The Human Centipede 3 s’avère bien plus inoffensif que ses deux prédécesseurs, dont l’impact résidait justement dans l’austérité de leur mise en forme. Conscient qu’il ne peut pas aller plus loin que le second opus dans le registre du sordide et du malsain, Six joue pleinement la carte de l’autocitation à laquelle il rajoute une épaisse couche d’autodérision. Le film commence donc par les dernières images de The Human Centipede 2, que regardent les acteurs principaux des deux films précédents, sollicités ici pour jouer des rôles radicalement différents. Dieter Laser, qui fut le très inquiétant docteur Josef Heiter du premier film, joue ici un directeur de prison caricatural, ordurier et libidineux, dont le faciès grimaçant est surplombé d’un indéboulonnable chapeau de cowboy. De son côté, Laurence R. Harvey, le très perturbant psychopathe du second film, incarne son comptable rondouillard et renfrogné. Poussés à forcer le trait et à évacuer toute demi-mesure, les comédiens ne cherchent jamais à nous faire croire à leurs personnages, comme si ce troisième film n’était qu’une vaste blague.
C’est dans le cadre d’une prison américaine que Tom Six installe l’intrigue de The Human Centipede 3. Les détenus qui y sont enfermés font partie des plus dangereux du pays, au grand dam du Gouverneur Hughes, incarné par Eric Roberts. A la tête de cet établissement peu recommandable, le directeur Bill Boss (Dieter Laser en totale roue libre) passe ses journées à hurler, à boire, à insulter son entourage et, de temps à autres, à vider le chargeur de son arme sur ceux qui croisent sa route. Le reste du temps, il martyrise sa secrétaire (l’actrice porno Bree Olsen) ou abuse d’elle en toute impunité. Malgré sa poigne de fer, il a bien du mal à endiguer la violence qui règne dans sa prison, à freiner les émeutes qui guettent derrière les barreaux et à réduire les dépenses médicales. Son comptable Dwight (Laurence R. Harvey) pense avoir trouvé la solution idéale en s’inspirant des films The Human Centipede et The Human Centipede 2. Sceptique au début, Boss finit par se laisser séduire par cette idée délirante qui consisterait à concevoir le mille-pattes humain le plus grand de tous les temps en cousant les corps de cinq-cents détenus les uns aux autres…
Sans queue ni tête
Le film contient son lot attendu de gore malsain (des gros plans d’os brisés, d’actes chirurgicaux et de castration) et de sexualité déviante (un viol particulièrement sanglant, une femme dans le coma dont on abuse), mais ces passages extrêmes sont immédiatement désamorcés par l’outrance du jeu des comédiens et par une tonalité générale proche du burlesque. Or s’il n’a pas son pareil pour concevoir les idées les plus dérangeantes et pour créer des climats morbides, Tom Six n’est visiblement pas dans son élément lorsqu’il s’agit de franche comédie. Persuadé que les hurlements hystériques et les vulgarités à répétition suffisent à provoquer le rire, il laisse l’excellent Dieter Laser se ridiculiser dans chaque scène, sous la défroque de ce cowboy alcoolique qui ne cesse de hurler en gesticulant. Plus gênant, le cinéaste pousse l’autosatisfaction jusqu’à se mettre en scène lui-même dans son propre rôle, sollicité par les protagonistes pour les conseiller et pour offrir quelques anecdotes sur le tournage de ses films précédents. Dans l’une des séquences de ce troisième opus, les deux premiers Human Centipede sont d’ailleurs projetés aux prisonniers, lesquels réagissent vertement en lâchant des répliques qui reprennent mot à mot les critiques virulentes que Six avait pu lire dans la presse à son encontre. La « saga » du mille-pattes humains s’achève donc sur cet opus superflu qui s’empêtre maladroitement dans ses propres excès.
© Gilles Penso
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