CHILD’S PLAY: LA POUPÉE DU MAL (2019)

Deux ans à peine après Le Retour de Chucky, la poupée maléfique a droit à son reboot sous forme d’une relecture modernisée de Jeu d’enfant

CHILD’S PLAY

 

2019 – USA / CANADA

 

Réalisé par Lars Klevberg

 

Avec Aubrey Plaza, Gabriel Bateman, Brian Tyree Henry, Tim Matheson, David Lewis, Trent Redekop et la voix de Mark Hamill

 

THEMA JOUETS ROBOTS ET INTELLIGENCE ARTIFICIELLE I SAGA CHUCKY

Initiée en 1988 avec l’excellent Jeu d’enfant de Tom Holland, la saga Chucky égrène ses épisodes avec irrégularité mais constance, la qualité ayant certes baissé depuis la reprise en main de la franchise par son scénariste initial Don Mancini, ce qui n’empêche pas une large communauté de fans d’aduler la maléfique poupée rousse et ses exactions sanglantes. Or, coupant l’herbe sous le pied de Mancini, qui réalisa lui-même les trois derniers Chucky sous l’égide du studio Universal, la compagnie concurrente MGM fait valoir sa détention des droits des premiers films de la saga pour lancer son propre remake de Jeu d’enfant, en faisant table rase du passé. Du coup, aucun des membres habituels de la franchise n’est convoqué. Le scénario est confié à Tyler Burton Smith (les jeux video Sleeping Dog et Quantum Break), la réalisation à Lars Klevberg (le film d’horreur Polaroïd) et la production est assurée par le duo gagnant des deux volets de Ça, David Katzenberg et Seth Grahame-Smith. Si la mention « Inspiré par le scénario de Don Mancini, John Lafia et Tom Holland » apparaît à l’écran, c’est en minuscule, noyée au milieu des ultimes crédits du générique de fin. Le nouveau Child’s Play débarque donc avec une volonté manifeste de séduire un nouveau public et de se mettre au goût du jour technologique. Pari réussi ?

Dès les premières secondes du film, la perplexité nous saisit : pourquoi avoir modifié le look initial de Chucky au point de le transformer en horrible pantin de plastique aux traits grossiers ? Le principe même de Jeu d’enfant consistait à muer un jouet mignon en assassin diabolique. Mais si la poupée est hideuse dès sa mise en rayon dans les magasins, quel enfant normalement constitué en voudrait dans sa chambre ? L’auteur de ce design discutable, l’artiste Einar Martinsen, a visiblement cherché à s’éloigner au maximum de la morphologie que nous connaissons déjà, afin d’éviter d’éventuels problèmes juridiques avec Universal. Était-ce une raison pour doter Chucky d’un faciès aussi disgracieux ? Côté scénario, nous apprenons que cette nouvelle ligne de jouets commercialisée par l’entreprise Kaslan est dotée d’une intelligence artificielle lui permettant de se connecter à tous les systèmes domotiques installés dans les foyers. Pourquoi pas ? C’est dans l’air du temps. Du coup, la nature maléfique de Chucky s’appuie sur cette relecture high-tech. Oublié le tueur psychopathe adepte du vaudou qui transfère son âme dans le petit corps en plastique. Désormais, c’est un employé des usines Kaslan qui décide de se venger de son employeur tyrannique en trafiquant l’intelligence artificielle d’une des poupées avant de se suicider. Difficile de trouver un prétexte scénaristique plus faible et plus improbable. A partir de là, la routine se met en branle. Employée dans un grand magasin, Karen Barclay (Aubrey Plaza) offre à son fils Andy (Gabriel Bateman) la fameuse poupée altérée, prélude à un massacre en bonne et due forme…

L’influence des années 80

Ne sachant visiblement pas trop par quel bout prendre ce remake/reboot, le scénariste Tyler Burton Smith multiplie les sources d’influence contradictoires, convoquant E.T. pour décrire l’amitié première d’Andy et Chucky (avec le gimmick du doigt lumineux aux pouvoirs télékinétiques), se laissant influencer par le diptyque Ça (et sans doute aussi Stranger Things) le temps de mettre en scène une petite bande d’enfants disparates luttant contre la créature maléfique, clignant même de l’œil vers Massacre à la tronçonneuse 2 dont les extraits diffusés sur un téléviseur semblent déclencher la folie meurtrière de Chucky. Ce cocktail d’inspirations eighties pousse même les producteurs à solliciter Mark Hamill pour incarner la voix du petit monstre (avec en prime une allusion à Star Wars, « Han Solo » étant le premier nom qu’Andy souhaite donner à sa poupée). Il y a bien quelques scènes distrayantes dans ce Child’s Play (la tondeuse, la scie circulaire, la tête dans le paquet cadeau), mais l’ensemble est poussif et tombe à plat. Aucun personnage n’est vraiment crédible (le beau-père idiot, le flic sympa, le gardien d’immeuble bizarre, les enfants du voisinage), chacun agissant souvent en dépit du bon sens. Dépité par cette mise à sac du concept qu’il contribua à créer, Don Mancini décida de poursuivre la saga de son côté par l’entremise d’une série TV sobrement baptisée Chucky et marquant le retour des incontournables Brad Dourif et Jennifer Tilly.

 

© Gilles Penso

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