Le premier long-métrage d'Alexandre Aja est un plaidoyer pour la liberté d'expression, au sein d'un monde futuriste totalitaire
FURIA
1999 – FRANCE
Réalisé par Alexandre Aja
Avec Stanislas Mehar, Marion Cotillard, Pierre Vaneck, Wadeck Stanczak, Julien Rassam
THEMA FUTUR I SAGA ALEXANDRE AJA
Au début des années 2000, Alexandre Aja n’était pas encore connu pour ses remakes à succès des grands classiques du cinéma d’épouvante (La Colline a des Yeux, Piranha 3D) mais pour sa filiation avec Alexandre Arcady, réalisateur du Grand Pardon et de L’Union Sacrée. Piqué au virus du cinéma en visitant les plateaux de tournage de son père, Aja se découvre une passion commune avec son ami d’enfance Grégory Levasseur : les films d’horreur. Après Over the Rainbow, un court métrage mi-horrifique mi-comique qui connaîtra les honneurs du festival de Cannes, les deux compères décident de se lancer dans leur premier long-métrage. Ce sera Furia, adaptation de la nouvelle « Graffiti » de Julior Cortazar. « A l’époque, nous voulions faire nos preuves sur un projet ambitieux », confesse Alexandre Aja. « Vous savez, quand on a dix-huit ou vingt ans, on est très orgueilleux, très naïf et très romantique. Et le scénario de Furia est à cette image (1). »
Le film se situe dans une société mise à mal par les conséquences d’une guerre engagée par un gouvernement totalitaire. Dans cet étrange futur alternatif ravagé par treize années de combats, le pouvoir a restauré l’ordre, neutralisé la résistance et contrôlé toutes les libertés individuelles. C’est le prix à payer, dit-on, pour le maintien de la paix. Mais quelques individualistes opiniâtres défient encore les autorités. C’est le cas de Théo, vingt ans, qui sort tous les soirs clandestinement pour dessiner sur les murs son idée de la liberté. Or le gouvernement a strictement interdit les graffitis, sous peine de sanctions sévères. Un soir, Théo rencontre Elia, une jeune fille qui dessine aussi. A travers leurs œuvres, une étrange histoire d’amour s’instaure. « Tout le monde nous encourageait à concrétiser ce projet, sauf mon père qui était persuadé que ce film était un peu gros pour nos petites épaules », raconte Aja. « Nous avons remporté le Prix Junior du Meilleur Scénario. C’était une étape décisive, car les membres du jury étaient tous les pré-acheteurs des chaînes de télévision. Une partie du financement du film était donc déjà assurée. Dans la foulée, nous avons rencontré le comédien Stanislas Merhar, qui a adoré le script et qui venait de remporter un César. Le film s’est donc monté sans trop de difficultés (2). »
La rage primaire de la jeunesse
S’appuyant sur un concept profondément poétique, Furia témoigne de la rage, de la jeunesse et de l’esprit rebelle de ses investigateurs. C’est son atout principal. C’est aussi sa faiblesse, le film manquant singulièrement de finesse. La primarité de son discours et la frontalité de son approche amenuisent considérablement son impact. Aja y fait pourtant déjà preuve d’un grand savoir-faire, d’un sens de l’image indéniable et d’une absence de retenue délibérée lorsqu’explose finalement la violence à l’écran. « Furia a les qualités et les défauts que nous avions à l’époque, et aurait nécessité un travail d’écriture plus rigoureux », avoue rétrospectivement Aja. « Je pense que nous sommes un peu passés à côté du sujet, mais ce n’est pas pour autant un film que je regrette (3) ». On ne peut que donner raison au cinéaste, le film conservant un charme et une sincérité incontestables. Après tout, quelles que soient ses maladresses, un plaidoyer pour la liberté de s’exprimer à travers le dessin ne peut qu’emporter l’adhésion, non ?
(1), (2) et (3) Propos recueillis par votre serviteur en mai 2006
© Gilles Penso