A CURE FOR LIFE (2016)

Pour son dixième long-métrage, le réalisateur de Pirates des Caraïbes nous entraîne dans un cauchemar médical éprouvant

A CURE FOR WELLNESS

 

2016 – USA / ALLEMAGNE

 

Réalisé par Gore Verbinski

 

Avec Dane DeHaan, Mia Goth, Jason Isaacs, Celia Imrie, Harry Groener, Adrian Schiller, Ivo Nandi, David Bishins, Carl Lumbly, Lisa Banes, Magnus Krepper

 

THEMA MÉDECINE EN FOLIE

Éreinté par le flop monumental de Lone Ranger : Naissance d’un héros, Gore Verbinski attendit quelques années avant de se remettre en selle. Les grands studio tournant poliment le dos à celui qui sut pourtant faire accourir les foules avec Pirates des Caraïbes, son adaptation du jeu vidéo « BioShock » sombrant dans l’enfer du développement, le cinéaste avait une revanche à prendre. Cette revanche est A Cure for life (A Cure for Wellness en anglais, autrement dit « un remède pour le bien-être », un titre qui ne manque pas d’ironie). Difficile de ne pas lire dans cette peinture glaciale du monde de la finance une critique acerbe du système hollywoodien. Ces hommes et ces femmes ceints dans leurs costumes sur-mesure, surplombant le commun des mortels du haut de leurs buildings aux vitres immenses, brassant des milliards sans s’en émouvoir, plaçant l’intérêt humain loin derrière celui des affaires, ces gens-là ne sont-ils pas le reflet à peine déformé des décideurs des majors ? Et ce jeune protagoniste qui croyait nager dans ces eaux dangereuses en toute impunité et qui se retrouve du jour au lendemain mis au défi, quitte à abandonner peu à peu ce système rigide pour partir en quête de sa vraie nature, ne s’agirait-il pas d’un alter-ego de Verbinski lui-même ? Si l’on accepte cette lecture entre les lignes, on comprend mieux pourquoi A Cure for Life est un film si radical, si inconfortable, et en fin de compte si peu hollywoodien.

Dane DeHaan incarne Lockhart, un jeune cadre aux dents longues que ses associés chargent d’une mission délicate : ramener à New York son patron Roland Pembroke, qui ne donne plus de signe de vie depuis qu’il est parti en cure dans un mystérieux centre de soins au fin fond des Alpes suisses. D’importantes retombées financières sont en jeu. Lockhart s’embarque donc dans un voyage qu’il espère le plus bref possible. Depuis la gare, une voiture avec chauffeur lui fait traverser un village sinistre en direction du centre médical, installé dans un château séculaire juché sur une montagne. Les légendes peu engageantes que l’on chuchote autour de cet endroit étrange et la bâtisse elle-même, dont la silhouette gothique se découpe orgueilleusement sur le ciel helvète, nous rappellent le prologue de maintes productions Hammer jetant des héros innocents dans la gueule du loup. Verbinski connaît ses classiques. Car si le château n’abrite ni le comte Dracula ni le docteur Frankenstein, les secrets qu’il renferme n’ont rien de très rassurant. Et le film de jongler dès lors entre une épouvante à l’ancienne et des horreurs cliniques beaucoup plus contemporaines, à l’image de ce lieu hors du temps dont les méthodes curatives et la machinerie médicale semblent appartenir à d’autres siècles.

Traitement de choc

En co-écrivant et en réalisant A Cure for Life, Gore Verbinski entend bien se débarrasser des oripeaux de ses derniers blockbusters pour revenir à une forme plus pure de narration. A cet effet, deux influences fortes guident son récit : le jeu « BioShock », dont plusieurs éléments majeurs sont déclinés au fil de l’intrigue, et le roman « La Montagne magique » de Thomas Mann, qui apparaît d’ailleurs entre les mains d’un protagoniste pour officialiser la filiation. Le cauchemar vécu par le protagoniste du film est éprouvant, scandé par des séquences choc mémorables et baigné dans un permanent sentiment de paranoïa qui nous empêche longtemps de savoir si son calvaire est réellement vécu ou inventé de toutes pièces par son esprit tourmenté. Dale DeHaan endosse avec conviction le rôle de cet investigateur au cœur de la tourmente, aux côtés de Jason Isaacs, au charisme toujours inaltérable, et de Mia Goth, troublante dans le rôle d’une femme-enfant qui semble flotter au-dessus des événements. Certes, A Cure for Life est sans doute trop long, ses rebondissements trop répétitifs et son final trop grandiloquent… Mais le malaise que procure le film est durable et la maestria de son réalisateur reste intacte.

 

© Gilles Penso

Partagez cet article