Une étonnante fable d'anticipation réalisée par le directeur artistique William Cameron Menzies d'après un scénario écrit par H.G. Wells en personne
THINGS TO COME
1936 – GB
Réalisé par William Cameron Menzies
Avec Raymond Massey, Edward Chapman, Ralph Richardson, Margaretta Scott, Cedric Hardwicke, Maurice Braddell
THEMA FUTUR
Deuxième long-métrage dont le scénario fut écrit par Monsieur Herbert George Wells en personne (après L’Homme qui fait des Miracles), La Vie Future s’ouvre sur des images terriblement prophétiques. Elles décrivent en effet les méfaits d’une effroyable guerre mondiale qui éclate en 1940 et s’étend inlassablement sur de longues décennies. Certaines images, comme l’enfant jouant devant un mur sur lequel se projettent les ombres colossales de soldats au pas, la gigantesque nuée d’avions militaires, ou encore les plans de la cité en ruines, sont très fortes. Elles sont dues en grande partie au talent visuel de William Cameron Menzies, directeur artistique de renom qui œuvra notamment sur Le Voleur de Bagdad de Raoul Walsh. Ces images rendent du coup inutiles les répliques sentencieuses et moralisatrices que Wells place un peu artificiellement dans la bouche de ses personnages. Des dialogues qui ne gêneraient guère en littérature, mais passent difficilement le cap de la transposition sur grand écran. C’est là tout le paradoxe de l’écrivain, génie visionnaire parfois embarrassé par une naïveté un tant soit peu désuète.
Au sein de cet univers parallèle, où la guerre fait encore rage en 1970 et où la civilisation a régressé jusqu’à une sorte de moyen âge recyclant les résidus des années de paix, la science-fiction pure et dure fait irruption sous la forme d’un avion futuriste piloté par un homme tout de noir vêtu et affublé d’un gigantesque casque… Il s’agit tout bonnement du représentant de la civilisation moderne, celle de la paix, de la science et de l’avenir prospère. Celle à laquelle Wells a toujours aspiré, à travers une large portion de son œuvre. Porté par le génie artistique de Cameron Menzies, le film est truffé d’effets spéciaux plus ou moins efficaces, mais tous très ingénieux, en particulier à base de maquettes, d’incrustations variées et de matte-paintings signés Peter Ellenshaw et Percy Day. Ce qui nous donne droit à des visions dantesques, comme l’armada de forteresses volantes futuristes ou la cité du 21ème siècle. Celle-ci, qui évoque par moments celle de Metropolis, s’avère visionnaire en bien des points : grands immeubles aux baies vitrées, machines qui reconstituent la lumière du jour, ascenseurs transparents à flanc d’édifices, écrans de télécinévision…
Mi-prophétique, mi-fantaisiste
En revanche, les péplums que portent les hommes du futur sont forcément beaucoup moins convaincants. Le rôle du vénérable Theotocopulos fut d’abord attribué à Ernst Thesiger (le docteur Pretorius de La Fiancée de Frankenstein) qui joua toutes ses scènes, avant que le producteur Alexander Korda ne change son fusil d’épaule et ne le fasse remplacer par Sir Cedric Hardwicke (qui partageait l’année précédente l’affiche des Misérables avec Frederic March et Charles Laughton), plus connu et plus populaire à son goût. Au cours de son final, La Vie Future ouvre une perspective de colonisation spatiale et de peuplement des autres planètes, via les Adam et Eve de l’an 2036. En tant que scénariste, Wells en restera là, et s’éteindra dix ans plus tard, suite à la guerre qu’il avait en partie prophétisée.
© Gilles Penso