En pleine guerre froide, le réalisateur de L'Inspecteur Harry signait l'un des films les plus paranoïaques de tous les temps
INVASION OF THE BODY SNATCHERS
1956 – USA
Réalisé par Don Siegel
Avec Kevin McCarthy, King Donovan, Dana Wynter, Larry Gates, Carolyn Jones, Ralph Dumke, Jean Willes, Virginia Christie
THEMA EXTRA-TERRESTRES I VEGETAUX I SAGA BODY SNATCHERS
Deux médecins sont déconcertés par d’étranges évènements se produisant dans leur ville de Santa Mira, en Californie. Certains de leurs patients ne reconnaissent plus leurs proches parents. Après la découverte du corps de leur ami Jack dont le visage est inachevé, les deux médecins doivent se rendre à l’évidence : la ville est envahie par des extra-terrestres qui imitent l’apparence humaine. Il est difficile de ne pas lire en filigrane de ce récit – et du roman de Jack Finney dont il s’inspire – une parabole de l’invasion communiste telle que la craignait l’Amérique des années 50. Cette paranoïa très populaire à l’époque, selon laquelle les « rouges » tenteraient de polluer insidieusement les esprits jusqu’à modifier le comportement des gens, pouvait-elle trouver meilleure métaphore que ces aliens végétaux se déguisant sous les traits de nos semblables pour mieux nous envahir de l’intérieur ? Finney a toujours rejeté les accusations d’anticommunisme dont son livre fut l’objet. Lucide, le réalisateur Don Siegel s’attendait lui aussi à une lecture de son film sous un prisme politique. Il s’efforça donc autant que possible d’évacuer tout caractère idéologique pour se concentrer sur l’argument de science-fiction lui-même et sur la tension extrême qu’il génère. De ce point de vue, L’Invasion des Profanateurs de Sépultures est une réussite exemplaire.
Tourné en moins de vingt jours, selon un planning serré et avec un rythme soutenu, le film communique au public ce sentiment d’urgence permanent et suscite une empathie désespérée avec Miles Bennell, campé par un Kevin McCarthy habité par son rôle. Les traits de plus en plus défaits, le regard fou, le visage déformé par des gros plans fortement contrastés, il lutte contre le sommeil qui le transformerait lui aussi en créature sans âme, en coquille vidé errant sans but sur une planète devenue terre d’asile de zombies n’ayant plus d’humains que l’apparence. « Sleep no more ! » (« Ne dormez plus ! ») : cette phrase en forme d’avertissement qui faillit être le titre du film, peut se lire au second degré comme une invitation à rester en éveil pour ne pas se plier à un conformisme privant l’individu de son libre-arbitre et se marginalité. La phrase sera reprise telle quelle dans Les Griffes de la Nuit par un Wes Craven tout à fait conscient de son double sens.
« Ne dormez plus ! »
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