LE PETIT POUCET (2001)

Olivier Dahan propose une vision sombre et réaliste du célèbre conte de Perrault

LE PETIT POUCET

2001 – FRANCE

Réalisé par Olivier Dahan

Avec Nils Hugon, Raphaël Fuchs, William Touil, Pierre-Augustin Crenn, Théodul Carré-Cassaigne, Hanna Berthaut

THEMA CONTES

Inattendu dans un registre fantastique pur, l’auteur de Déjà Mort et La Vie Promise a opté pour une adaptation extrêmement fidèle du conte de Charles Perrault, narré à la première personne par Michel Duchaussoy incarnant en voix off un Petit Poucet vieilli et aguerri. Cadet d’une famille de paysans crève la faim et souffre-douleur de ses frères, Poucet (incarné par Nils Hugon) découvre avec ses yeux naïfs la dureté d’une époque marquée par la guerre et la famine. Leur ferme ayant été pillée par une horde de soldats, les parents de Poucet décident d’abandonner leurs nombreux rejetons en pleine forêt. Tant de bouche de moins à nourrir, ça n’est pas rien en pareil contexte. Livrés à eux-mêmes, les enfants font dans les bois maintes rencontres désagréables, notamment des loups affamés, les guerriers à la solde du redoutable soldat à la jambe de fer, et surtout l’Ogre impitoyable qui raffole de la chair tendre des petits enfants pour son petit déjeuner.

Si le scénario ne surprend donc guère, se contentant de reprendre les péripéties d’une histoire que chaque spectateur connaît depuis son plus jeune âge, c’est du côté de la direction artistique que le film d’Olivier Dahan étonne. Car du point de vue strictement formel, ce Petit Poucet est une vraie merveille. La partition de Jo Hisaishi, compositeur attitré de Hayao Miyazaki (Princesse MononokeLe Voyage de Chihiro), est lyrique à souhait, les décors mi-réels mi-numériques sont superbement oniriques, et les costumes bénéficient de designs particulièrement originaux. Avec une mention spéciale pour le look  horrifico-fétichiste de l’Ogre, dont le visage est entièrement dissimulé sous une sorte de muselière métallique articulée.

Un Ogre au look horrifico-fétichiste

Le casting, surprenant, réserve des rôles de choix à des comédiens pas du tout habitués, eux non plus, à ce registre féerique. On note en particulier Romane Bohringer en mère du Petit Poucet, Elodie Bouchez en épouse de l’Ogre, Samy Naceri en soldat à la jambe de fer, Saïd Taghmaoui en chef de troupe, Romain Duris en garde, Jean-Paul Rouve en cavalier, Maurice Barthélémy en comptable, et Catherine Deneuve en reine. Cette dernière apparition semble être conçue comme un clin d’œil au fameux Peau d’Âne. Mais contrairement au conte réalisé par Jacques Demy, qui se terminait par l’envolée incongrue d’un hélicoptère, le film d’Olivier Dahan ne s’envisage pas autrement qu’au premier degré, sans le moindre décalage ou la plus petite once d’humour. Personne ne s’en plaindrait outre mesure si ce Petit Poucet s’adressait principalement aux enfants. Mais la noirceur du traitement, l’épouvante pure dans laquelle baignent les apparitions de l’Ogre, des loups et du soldat à la jambe de fer, la dureté générale du film laissent au contraire imaginer que c’est l’adulte qui est ici visé. C’est ce petit fossé entre la naïveté linéaire de la narration et la rudesse de la mise en scène qui risque de déconcerter le public et d’empêcher cette œuvre pourtant bourrée de qualités de  trouver sa cible. A marquer d’une pierre blanche tout de même. Certes, nous sommes à mille lieues des splendeurs de La Belle et la Bête, mais ce n’est pas tous les jours que la France se pare de si beaux contes cinématographiques.

 

© Gilles Penso

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